Tu m’as dit :
«Viens au jardin pendant les jours de printemps,
Il y aura des
bougies, du vin, des belles aux joues vermeilles ».
Si Tu
n’y es pas : que faire de tout cela ?
Et si Tu
t’y trouves : à quoi bon toutes ces choses ?
…
(Du Mystique
Mevlana)
Le propos du livre est de faire connaître à un
public francophone qui les ignore, en présentant
l’essentiel de leurs pensées, des intellectuels du
monde musulman, hommes ou femmes, croyants convaincus, qui ressentent
la nécessité de repenser l’islam et
s’appliquent courageusement à cette
tâche.
Il est malaisé de faire un résumé de
ce livre, qui lui-même en est un particulièrement
dense, à mes yeux tout à fait
intéressant, quoique parfois embrouillé et
compliqué.
Il comprend :
- un chapitre d’ouverture, intitulé «
l’islam et la modernité », qui pose en
quelque sorte
le
problème de fond auquel se heurtent ces intellectuels,
- un second chapitre consacré aux précurseurs de
la pensée islamique présentée,
- quelques chapitres ensuite consacrés chacun à
un penseur particulier,
- une conclusion enfin, « ouverte »,
c'est-à-dire invitant à d’autres
réflexions.
Le titre de l’ouvrage est : « Les nouveaux penseurs
de l’islam ».
… penseurs de l’islam, c’est
à dire des croyants, des personnes qui voient
l’islam de l’intérieur, qui en sont. Ce
ne sont pas des « penseurs » d’un monde
musulman. Ils sont profondément et fondamentalement
attachés à leur foi, dont ils rendent compte et
qu’ils approfondissent avec une grande intelligence, mais
dont il n’est absolument pas question dans leur esprit de
remettre en cause les bases : le Coran et le Prophète.
Ce à quoi ils s’attachent, c’est
à comprendre le message aujourd’hui,
persuadés qu’en lui-même il est
intemporel, universel et parfait, parce que divin, mais conscients que
sa formulation, elle, est temporelle, par conséquent
contingente, sujette à interprétation, discutable
et constamment appelée à évoluer.
Ce qui les presse dans leur réflexion, et qui leur pose
problème, c’est apparemment la
modernité, ce que l’on peut entendre comme
- la matérialisation de la vie ordinaire,
- l’implacabilité des règles
socio-économiques qui conditionnent mondialement les
échanges,
- l’athéisme pratique de l’occident,
auquel l’histoire semble donner raison, puisque celui-ci est
sur l’heure tout puissant,
- l’avènement d’une période
de l’histoire humaine où la raison et la science
l’emportent sur la primauté reconnue jadis aux
Ecritures, à la Tradition et à la Coutume. Au
cœur de la modernité il y a
l’idée de l’individu qui agit librement
et connaît librement.
Cet effort de pensée n’est pas toujours bien
compris, ou bien admis, des populations, ni surtout de ses
officiels. Les idées avancées en effet
inquiètent, dérangent, contredisent. De ce fait,
les intellectuels en question ne sont pas représentatifs du
monde musulman. Ils sont au contraire en butte à la
contradiction, à l’opposition, aux menaces, aux
sanctions … Certains en sont conduits à
s’exiler et vivent à
l’étranger.
Et on le comprend.
L’appel au renouveau du discours religieux se
révèle un appel plus
général à la liberté de
penser. Ainsi apparaissent-ils naturellement comme des opposants dont
il faut se débarrasser.
Les précurseurs de la pensée islamique actuelle.
Il y a toujours eu une pensée en islam. Elle n’a
simplement pas été toujours «
réformiste ».
C’est le déclin du monde musulman, pour une part
lié à la chute de l’empire ottoman, et
pour une autre à l’universelle mainmise
occidentale, qui a provoqué une réaction dite
réformiste.
Au 18ème siècle déjà,
estimant que la décadence du monde musulman était
due à un certain affadissement de la foi, les penseurs de
l’époque prônaient un retour
à la pure religion, au premier islam, celui de origines.
C’est ce que l’on a appelé le
« revivalisme », dans lequel deux figures se
détachent, Abd al-Wahab (1703 – 1792), dans la
péninsule arabique, et Shah Wali Allah al-Dilawhi (1703
– 1762), en Inde.
Au revivalisme succède au milieu du XIX ème le
réformisme moderne, qui durera jusque vers 1.940.
Le réformisme traduit une volonté de
réformer la vie sociale, les mœurs, le mode de
penser (en faisant plus large part à la raison), et aussi le
rapport à la connaissance religieuse. Il s’attache
à prendre en compte les manières de voir
occidentales, de façon critique et prudente certes, mais en
y reconnaissant des valeurs, valeurs qui devraient être
compatibles avec l’islam, et par conséquent bonnes
à assimiler.
On voit donc poindre à cette époque des remises
en cause hardies.
Par exemple, on suggère d’interpréter
métaphoriquement les versets du Coran qui, pris
littéralement, seraient contredits à
l’évidence par la raison et par la science ;
d’aucuns avancent qu’à leur avis presque
aucune chaîne de transmission des hadiths (recueil des actes
et des paroles du Prophète) n’est fiable ; on ose
aussi dire que si Mahomet est et reste le grand Prophète,
cela n’exclut pas le don de prophétie avant lui et
après lui.
Sensibles à la décadence des
sociétés musulmanes, les premiers
réformistes avaient tendance à se placer dans une
position défensive face à l’intrusion
et à la suprématie européennes. Ils
étaient en réaction. Ils n’ont pas
élaboré de véritable
système de pensée. Ils sont restés
dépendants de la religion des premiers temps,
idéalisée à
l’extrême.
Après 1940 le contexte a changé. C’est
la fin de l’ère coloniale, l’occident
européen s’efface devant l’occident
américain. La révolution soviétique de
1917 inspire des révolutions nationalistes arabes. Ce
n’est plus le moment d’une rationalisation de
l’islam mais celui de la redéfinition
(plutôt laïque) de la société.
Il ressort de cette nouvelle période deux grands courants
réformateurs
- le premier, qui a donné naissance à la
société des frères musulmans (1928),
est un courant islamiste, suivant lequel l’islam doit tout
inspirer dans la vie des hommes, à commencer par
l’organisation politique des sociétés
et des états. Il s’établit aussi sur le
refus des valeurs de l’Occident.
- Le second est celui d’un « islam critique
». Avec ce courant sont reposées les questions de
la relation du profane et du sacré, du politique et du
religieux, de l’histoire et de la foi. Selon lui il
n’y a pas de modèle islamique du pouvoir
… les musulmans peuvent se donner les types de gouvernement
qu’ils jugent les mieux appropriés …
les sciences sociales et politiques ont le droit
d’être autonomes par rapport aux prescriptions
religieuses … etc. Il s’agit en bref
d’une manière ouverte, en principe plus
fidèle à l’esprit, de
considérer la religion : « Dieu voulait que
l’islam fût une religion, mais les hommes ont voulu
en faire une politique … ».
Ceci étant dit, l’ouvrage aborde,
ci-annexé, ce que son auteur estime être pour
chaque penseur présenté le fond de son apport :
- Annexe 1 : Abdul Karim Soroush
- Annexe 2 : Mohammed Arkoun
- Annexe 3 : Fazlur Rahman
- Annexe 4 : Amin al-Khûli et Muhammad Khalafallâh
- Annexe 5 : Nasr Hamid Abû Zayd
- Annexe 6 : Abdelmajid Charfi
- Annexe 8 : Farid Esack
Allah akbar !
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