«
Les nouveaux penseurs de l’islam ».
Annexe
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Fiche Nasr Hamid Abû Zayd
La personne.
Egyptien, né en 1943. Aîné dans une humble et pieuse famille paysanne.
Ecole coranique pour commencer (à 8 ans il sait le Coran par
cœur). « Mon enfance a été très pieuse
et très religieuse. Apprendre le Coran par cœur vous donne
une place à part. Les habitants du village m’ont
très vite surnommé ‘le cheikh’ et,
quelquefois, malgré mon jeune âge, ils me mettaient devant
eux pour la prière, afin que j’exerce le rôle de
l’imam. Mais être ‘celui qui connaît la parole
divine par cœur’ ne donne pas droit qu’à des
honneurs. La foi qu’on m’a inculquée à cette
époque impliquait un certain comportement personnel : la
modestie, l’amour des autres, prendre soin des voisins, et des
amis, se tenir à leur disposition … Je crois que
j’ai été véritablement façonné
par l’esprit du Coran ».
Suite maladie de son père, scolarité technique ensuite. A
14 ans, doit subvenir aux besoins de la famille. Etudie alors la nuit.
S’intéresse ce faisant particulièrement à la
littérature arabe et à l’interprétation du
Coran. Maîtrise de langue et littérature arabe.
Nommé assistant à l’université, où on
lui confie les études coraniques (1972). Apprend l’anglais
et obtient une bourse d’étude en Pennsylvanie, où
il suit des cours de linguistique, d’anthropologie, de sociologie
et s’initie à la science de l’interprétation.
Retour en Egypte (1979), puis séjour de 4 ans au Japon,
où il enseigne la pensée arabe moderne. Ecrit pendant ce
temps une œuvre majeure : « Le concept du texte. Etudes sur
les sciences du Coran », qui lui vaut une promotion comme
professeur associé de langue et littérature arabe (1987).
Sensible aux limites du discours religieux, à l’ignorance
des contextes dont il fait preuve et par ailleurs aux manipulations
dont l’islam ne cesse de faire l’objet, il émet des
critiques, ce faisant se crée des ennemis.
La parution de son livre « Critique du discours religieux »
(1992) soulève une tempête. On lance des poursuites
judiciaires contre lui, sur la base de ses écrits, jugés
hétérodoxes et diffamatoires. La polémique est
immense dans le pays. Il est décrété apostat
(1995) et on le sépare d’office de sa femme (une musulmane
ne peut être l’épouse d’un
hérétique). D’aucuns demandent sa condamnation
à mort, un groupe terroriste appelle à son assassinat
… Il s’exile aux Pays-Bas, où il est professeur
associé.
La pensée.
Toute son œuvre est le fruit de sa recherche d’un cadre
d’interprétation du Coran qui permette d’en tirer
toujours la signification et le mette à l’abri des
manipulations idéologiques.
* Abû Zayd aborde le Livre saint avec dévotion, mais
en considérant qu’il s’agit d’une œuvre
littéraire, chef d’œuvre de la littérature
mondiale, dont la vocation en tant que telle est d’inspirer la
culture et les arts, et qu’il convient d’étudier
avec les mêmes méthodes que n’importe quel autre
chef d’œuvre de la littérature : s’abstenir de
considérer le Coran comme un document linguistique conduit
à en figer la signification.
* Avec cette vue des choses, la pensée d’Abû
Zaid rejoint trop celle des personnages déjà
rencontrés dans les annexes précédentes pour
qu’il soit utile de s’appesantir sur toute une partie dont
traite l’ouvrage étudié. Evitant donc les redites,
mais retenant toutefois que les points de vue convergent, il
paraît intéressant de se concentrer comme suit sur
d’autres développements de sa pensée.
* D’autres écritures ont précédé
le Coran (Torah et Evangile, notamment), qui ont été
révélées en d’autres langues: il n’est
donc pas vraisemblable que la Parole de Dieu soit limitée au
seul Coran et à sa langue arabe. D’ailleurs, comme
l’indique le Coran, si Dieu a choisi le Prophète Muhammad
pour être son messager, ce n’est pas pour que
celui-ci prêche une religion nouvelle aux arabes, mais pour
qu’il fasse le rappel du même message que celui
qu’avaient fait entendre les prophètes depuis la
création du monde : il est donc clair que le contenu du Coran
peut être séparé de son expression linguistique.
* Logiquement, Abû Zayd en vient à dire : « Il
ne devrait y avoir aucun inconvénient au fait que la
divinité du Coran se limite à sa source. »
* Logiquement toujours, il en vient à se demander ce qu’ont pu modifier
- le passage de l’oral à l’écrit, et
particulièrement la « canonisation » de la forme
écrite,
- le réarrangement des versets et chapitres du Coran dans un ordre non chronologique.
On ne peut donc pas ignorer la dimension humaine du phénomène coranique.
Le contenu originel de la Parole de Dieu dans son absoluité
inconnue – c’est à dire avant qu’il soit
exprimé en arabe – est divin et sacré, alors que
son expression manifestée n’est ni sacrée ni divine
: le Coran que nous lisons et interprétons n’est en aucune
façon identique à la Parole de Dieu.
* Ce que l’on comprend d’un message ou d’un
texte est inévitablement interprétation, donc
transformation… Ainsi le texte coranique se transforma
dès le tout premier moment, dès que le Prophète le
récita. De révélation, le Coran se transforma
aussitôt en interprétation.
Aussi, pour identifier le message, est-il nécessaire
d’analyser la réalité et la culture contextuelles
du texte.
* L’interprète doit donc prendre en compte
l’arrière-plan constitué par le contexte de la
Révélation, partir de « l’historique »,
du « temporel » pour aboutir à ce qui est universel
et intemporel.
* Le Coran établit une relation ouverte entre Dieu et les
hommes. Pour le recevoir, chaque époque, chaque peuple, chaque
homme a besoin d’en faire son interprétation. Se contenter
de l’exégèse classique c’est se mettre dans
l’incapacité d’entendre le message aujourd’hui.
* Le problème est que toute forme
d’interprétation est subjective. Comment éviter
l’erreur ou la manipulation ? Abû Zayd invite pour ce faire
à un travail d’objectivation présentant plusieurs
aspects
- Un aspect psychologique : dans quelle disposition mentale est-ce que j’aborde et comprends les textes ?
- Un aspect scientifique : dans quelle mesure la méthode que
j’utilise est-elle légitime ? Est-elle suffisamment
précise ? exclut-elle l’arbitraire ?
- Un aspect sociologique : comment mon éducation, ma culture,
mon environnement, ma position sociale … affectent-ils
inévitablement ma manière d’interpréter le
texte ?
- Etc., etc.
Il y a toujours, on le voit, unicité de
l’interprétation, chaque société, chaque
groupe, chaque personne voyant le texte de son point de vue.
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