Annexe 3.
Fiche Fazlur Rahman.
La
personne.
Savant
pakistanais, né en 1919.
Ses
parents, croyants, à la fois érudits,
traditionnels et ouverts (pour son père la
modernité était une opportunité, pas
un poison), prennent le plus grand soin de sa formation religieuse. A
10 ans il connaît par cœur
l’intégralité du Coran.
Maîtrise
d’arabe (il parle par ailleurs couramment une demi douzaine
de langues), doctorat en philosophie, connaissance approfondie de
l’islam traditionnel. Etudes à Lahore, puis en
Angleterre, où il enseigne, se livre à la
recherche et écrit dans le domaine qui
l’intéresse - plus que la philosophie pure,
c’est la pensée religieuse.
Retour
au Pakistan en 1961, où il est conseiller du
Président. Dans cette fonction il rencontre une opposition
grandissante des oulémas conservateurs, finalement telle
que, sa vie étant en danger, il est conduit à
s’exiler (1968) aux USA, où il enseigne (Los
Angeles, Chicago) et continue à approfondir sa
réflexion sur la place de l’islam dans le monde
actuel, thème sur lequel il publie des écrits
importants.
Il
meurt en 1988, laissant aux Etats-Unis une trace profonde, due
à ses œuvres, mais aussi à son
tempérament doux et aimable.
La
pensée.
Fazlur
Rahman a été toujours profondément
préoccupé par la question de la
modernité :
-
Comment l’islam, en tant qu’héritage
à la fois religieux, culturel, éthique et
politique, peut-il « prendre en charge » un monde
en changement permanent (ou « faire avec »)?
-
Comment ne pas perdre son âme au travers des adaptations que
les dits changements semblent imposer à toutes les
sociétés du monde ?
-
Comment tirer parti des acquis de la science et de la technologie sans
qu’il en résulte un désastre pour la
culture et les valeurs ?
-
Comment réunir le présent au passé et
maintenir entre eux une nécessaire continuité ?
Rappelant
que les premiers savants de l’islam et les premiers
dirigeants de la communauté faisaient preuve de
liberté et d’ingéniosité
pour interpréter et mettre en pratique le Coran, il en
appelait avec insistance au rétablissement de la
liberté de raisonnement et
d’interprétation.
Son
approche du Coran est étayée sur deux certitudes :
-
La première : le Coran doit être vu comme un tout
cohérent et non de façon parcellisée,
c’est à dire en en isolant les versets.
-
La seconde : le Coran est un livre d’éthique et de
guidance, pas un ouvrage de droit.
Pour
le comprendre, il conseille de le regarder toujours en rapport avec son
contexte chronologique.
Le
Coran a été
révélé en effet en réponse
à des situations historiques
déterminées, celles du temps de Mahomet. Les
données nécessaire à cette
compréhension :
-
Une bonne connaissance de la langue arabe et de la
littérature dans les temps du Prophète.
-
La connaissance des circonstances de la
révélation.
-
La connaissance des versets abrogés et des versets
abrogeants (à considérer avec
l’approche chronologique).
-
La connaissance des versets d’application
générale et celle des versets
répondant à des situations
particulières.
Pour
lui, seule la signification du Coran est «
normative», c'est-à-dire constitue une
référence permanente, immuable, universelle. Elle
doit faire l’objet d’une recherche permanente.
Les
interprétations que l’on en fait, elles, ne
peuvent pas être normatives. Elles relèvent en
effet du contexte de leur époque, auquel elles doivent
être adaptées. Ainsi en est-il par exemple de
l’éthique : le Coran donne des directives
générales, non des règles
spécifiques. Il appartient aux époques
successives d’expliciter celles-ci en fonction des
réalités qui se font jour.
Dans
son approche du Coran, Falzur Rahman prend en compte la
subjectivité du Prophète, sur laquelle il
s’interroge longuement : comment la Parole de Dieu a-t-elle
pu lui être communiquée ? Est-il possible que la
Parole de Dieu puisse être entendue et
véhiculée par une créature humaine ?
Comment l’esprit du Prophète a-t-il pu entrer en
contact avec un ensemble de mots d’origine divine et
éternelle ?
Il
affirme :
«
Le Coran que nous entendons, lisons ou voyons n’est pas la
Parole de Dieu ! »
C’est
le message du Prophète, un « effet » de
la Parole de Dieu (tout comme les autres livres
révélés).
Toujours
selon lui, le Prophète a reçu le Livre sous forme
« d’impression » dans son cœur,
une impression « indélébile
», mais pas comme une dictée. Il en a rendu compte
sur 23 ans, avec ses mots, son style, sa culture, en bref son moule.
Certes,
l’orthodoxie musulmane affirme que la Parole n’est
pas venue au Prophète seulement à la
manière d’une inspiration globale, mais que les
mots même du Coran lui ont été
révélés. Mais Falzur Rahman ne voit
pas là contradiction : le processus de la
révélation s’étant
entièrement passé à
l’intérieur de l’esprit du
Prophète, on peut dire que c’est aussi la parole
du Prophète …
Pour
lui, l’élan qui est à la base du Coran
est éthique.
«
La Loi morale est immuable ; elle est « commandement
» de Dieu, que l’homme ne peut accomplir ou non
à son gré. Il doit s’y soumettre
… ».
La
loi morale, les valeurs religieuses, la Parole sont expression de Dieu,
révélation de Dieu Lui-même.
Il
ne s’agit pas d’options possibles.