«
Les nouveaux penseurs de l’islam ».
Annexe
6.
Fiche
Abdelmajid Charfi.
La personne.
Il est dit
de lui qu’il est né à Tunis en 1942,
sans plus
La
pensée.
Elle va dans
le même sens que celle de nombreux universitaires tunisiens,
comme Mohamed Talbi …
# Si la
Parole est bien vivante, comme le dit le Hadith (« Lire le
Coran comme s’il m’était
révélé à
moi–même »), si donc Dieu me parle, je
dois l’écouter avec mon esprit
d’aujourd’hui, dans ma situation actuelle.
# Le
Coran indique de grandes directions. Lui seul oblige, lui seul est
« contraignant » pour les croyants, lui seul est
authentique. Il n’en va pas de même de
l’exégèse que l’on a faite de
ce que l’on dit être les faits et dires du
Prophète (Sunna).
# Si
Dieu parle, la dictée est divine.
Mais
l’expression est humaine. Cette expression est donc
accessible à toutes les approches possibles -
philosophiques, linguistiques, historiques, sociologiques,
anthropologiques …, avec l’aide de tous les outils
à disposition.
Abdelmajid
Charfi quant à lui …
# Se
livrant à un examen critique des sources religieuses, il
remet en cause les interprétations des premières
générations de musulmans. Il prône une
lecture « finaliste » du Coran et critique
l’institutionnalisation de la religion faite par les anciens.
# Dans
ses écrits il rappelle avec force que nulle part le Coran ne
dit qu’il abroge les Ecritures qui l’ont
précédé. Quant à
l’accusation de falsification des Ecritures portée
contre les juifs et les chrétiens, il affirme que,
liée aux conflits qui ont jalonné les
débuts de l’islam, elle est ultérieure
à la Révélation.
# Abdelmajid
Charfi a trois a priori …
-
L’humanité existe avant la religion.
- La
religion est une composante de la culture.
- La
vérité religieuse est relative.
# Pour
lui, Mahomet n’a pas été autant
fidèle à la finalité du message
qu’aux problématiques de son époque,
à ses contraintes, à ses urgences.
# Il
met en avant trois observations, qui deviennent pour lui des postulats :
- Le
Prophète s’inscrit dans une époque, non
pour la conforter dans ses positions et usages, mais pour lui insuffler
une nouvelle vision du destin de l’humanité.
- Le message
a une finalité qui va plus loin que les solutions
proposées aux problèmes de
l’époque.
- Les
premières générations ont
déduit du message des normes qui leur ont permis
d’organiser leur vie ici-bas … et de
préparer leur vie au-delà. Elles leur
correspondaient. Mais elles ont progressivement remplacé le
message par une interprétation officielle, institutionnelle,
« orthodoxe » de celui-ci, incapable de faire face
aux défis de la modernité.
# Pour
comprendre le message, il convient de le situer dans son histoire :
- Le message
du Prophète reprend et accentue les apports du
monothéisme biblique.
- Le Coran
donne des informations qui permettent de se faire une image vivante du
Prophète, assez éloignée du personnage
idéal que l’on en a fait.
- Au
contraire de ce qu’a « verrouillé
» la tradition, le texte coranique témoigne
d’un rôle actif du Prophète dans le
phénomène même de la
Révélation, laquelle peut être
considérée comme « dialogique
».
-
L’élévation du texte coranique
à une quasi « relique » correspond
à une élaboration tardive, fondée sur
une interprétation abusive de la Parole de Dieu.
# Trois
observations à propos du Message :
- La culture
à l’époque du Prophète
était une culture orale.
L’accès
au discours du Prophète est-il donc possible
aujourd’hui ? L’était-il même
aux premières générations ? Le terme
« Coran » ne devrait-il pas s’adresser
qu’à la parole du Prophète, pas
à l’écrit
d’aujourd’hui, dont la forme aurait pu
être autre ?
- La culture
à l’époque du Prophète
était imprégnée de
sacralité et de magie. Le discours du Prophète
s’y est ajusté. Or les mentalités ont
changé. Pour ne pas scléroser le texte, il est
nécessaire de distinguer entre sa «
littéralité » et sa «
finalité ».
-
Défendre la littéralité du texte
revient à le sacraliser avec la mentalité des
gens d’une époque, ce qui ne pouvait
être l’objectif du Message.
# A
propos de la chari’a, Charfi affirme que la
Révélation ne parle pas de celle-ci dans le sens
de « loi divine » mais de voie,
c'est-à-dire d’une vision
générale dont les limites sont fixées
par les finalités du Message. En effet :
- Il est peu
de lois ou prescriptions équivalentes dans le Coran (environ
4% des versets en traitent).
- Le Coran
n’a pas détaillé les
éléments du culte, désignés
par « Les 5 piliers de l’islam ».
- Le Coran
n’entre pas dans les détails de la vie quotidienne
des gens.
- Les faits,
gestes et paroles du Prophète étaient
adaptés à la situation et aux compagnons de
l’époque.
# La
grande conviction de Charfi est que les
générations successives de musulmans
n’ont pas été fidèles
à l’esprit du message et à ses
finalités :
- A la
disparition du Prophète, ce sont les
préoccupations politiques qui ont prévalu, la
prophétie ayant modifié la donne : un empire
naissait.
-
L’institutionnalisation de la religion a comporté
bien des « aménagements » avec le
Message. On le constate particulièrement dans des domaines
comme celui de l’esclavage, celui du statut de la femme,
celui du jihâd.
- On a
théorisé la religion en faveur des institutions
mises en place au lieu de la mettre véritablement au service
de l’éducation des croyants, appelés
à aimer et faire le bien.
# A
propos du scellement de la prophétie : le dogme islamique
– et il est le seul à le faire au sein des
religions révélées – stipule
que Mahomet est le sceau des prophètes,
c'est-à-dire qu’il n’y aura plus de
nouvel envoyé divin jusqu’à la fin du
cycle présent de l’humanité. Il ne peut
plus y avoir d’autre Révélation
après le Coran.
Avec cette
conception des choses, on court le risque, dans lequel on est
tombé, de l’enfermement.
Pour Charfi,
le scellement de la prophétie doit être vu comme
mettant fin au besoin des hommes d’une
Révélation comme source de savoir fondamental.
« Mahomet a scellé la prophétie pour
mettre fin aux répétitions et à la
redondance du Message et pour ouvrir devant l’homme le champ
de son avenir dans la liberté, la responsabilité
et la solidarité. Il a de ce fait jeté les
fondements d’une véritable éthique
universelle. »
# «
Moderniser » la conscience musulmane : pour ce penseur il
s’agit d’une part de bien comprendre le message
muhammadien, d’autre part de se libérer de
l’institution religieuse dans tous ses aspects –
l’homme est libre et responsable, il doit assumer la
responsabilité de choisir en toute conscience le chemin de
sa vie (avec le risque que cela comporte).