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Seconde
partie
Le Bien
vient de Dieu.
Ch
1. L’unité des principes moraux.
Lorsque nous prenons conscience d’avoir offensé
quelqu’un, nous en éprouvons un
sentiment de ‘pitié’ pour la personne,
de regret par rapport à soi-même et surtout de
honte.
Ce
dernier sentiment est très profond, si profond
qu’au lieu de dire : ‘Ma conscience me reproche
de ...’, on dit ‘J’ai honte de
…’ 1.
On
peut donc dire que le sentiment de pudeur, vitalement lié
à la vie sexuelle, déborde les limites de
l’existence matérielle et accompagne, comme
expression de la désapprobation morale, la violation de
toute norme éthique, à quelque domaine
qu’elle appartienne.
L’essence de la vie animale est la perpétuation de
l’espèce ; à ce titre,
l’instinct sexuel est chez lui très puissant. Le
même instinct est également fort chez
l’homme, mais pour Soloviev, à la
différence de l’animal, l’homme aurait
honte d’être asservi à la loi naturelle
de la reproduction considérée comme une fin en
soi et éprouverait spontanément le
désir de durer par lui-même, pas seulement au
travers de l’espèce : il manifesterait ainsi une
essence supranaturelle.
Allant plus loin, Soloviev avance que nous avons fondamentalement honte
de l’acte sexuel, parce que nous nous y livrons à
une force aveugle qui nous maîtrise et, pis, qui est
mauvaise, parce que sa fin est elle-même mauvaise : le
renouvellement des générations
s’effectue pour lui en effet au détriment des
anciens et se trouve directement opposé au principe de la
solidarité humaine …
Il
y a ainsi pour lui une contradiction fatale entre le fait que la
procréation est un bien pour la mère, pour le
père, pour l’enfant et est en même temps
une voie honteuse, impitoyable et impie. Sortir de cette contradiction
est, affirme-t-il, ce que nous espérons de nos enfants,
attendant qu’ils soient meilleurs que nous. Mais,
fait-il observer, comment peut-on l’espérer
sérieusement quand on ne s’emploie pas
soi-même à changer de vie ?
Soloviev voit toutefois dans la relation sexuelle humaine un
côté positif lorsqu’il s’agit
de ce qu’il appelle un ‘état
amoureux’. Alors, l’acte transcende le physique
parce qu’il a un caractère individuel (il
s’agit d’une union avec telle personne) et
qu’il tend à la durée (c’est
cette personne pour toujours). L’exaltation de
l’amour est par conséquent une
référence : il montre la voie dans laquelle il
faut marcher et le but à atteindre, qui est
l’universalité de l’amour.
_____________________
1. Le difficile aveu en confession de
certaines fautes illustre la proposition.
Au lieu d’une interpénétration et
communion à la fois corporelle et spirituelle, qui est
l’objet de l’amour véritable, pur,
dominée par la pulsion physique des sens, l’union
des sexes, dans la pratique, tend pour notre auteur à
confirmer, renforcer et perpétuer la division de
l’être humain.
Le
sentiment de pudeur s’oppose à cette tendance au
fractionnement. Il tend lui-même à
l’exultation d’un amour chaste.
On retrouve dans la vie sociale la même opposition entre
l’égoïsme de chacun,
l’antagonisme de tous, et le sentiment de la pitié
qui s’y oppose.
Tout
comme il y a un matérialisme naturel (soumission aux forces
de l’animalité) et un égoïsme
naturel (ce qui m’est propre passe au dessus de ce qui
revient aux autres et m’en sépare), il y a un
athéisme pratique naturel, qui est la tendance à
faire de soi-même le principe inconditionnel et
indépendant de sa vie.
Cette
dernière tendance est la plus grave, car elle engendre une
séparation mortelle d’avec le cœur de
l’univers et interdit de ce fait à
l’homme l’entrée dans la
plénitude de sa vie, qu’il ne peut à
l’évidence trouver en dehors de sa communion avec
l’essence de toute chose.
Il
est singulier de noter à cet égard que cette
séparation ne se traduit pas spontanément comme
pour les deux autres tendances par un sentiment de honte (on ne dit pas
en effet dans ce cas ‘j’ai honte de
…’) mais plutôt par un sentiment de
crainte. On pourrait parler ici de pudeur religieuse. On ne peut en
effet sans crainte être en contradiction avec la
Divinité ou être en porte à faux
vis-à-vis d’elle.
A
cette dernière tendance s’oppose le sentiment
religieux de la piété, qui est reconnaissance du
rapport juste avec la Divinité et désir de
participer à sa perfection.
Comme les racines de toute réalité vivante se
cachent dans les profondeurs de la terre, ainsi en est-il pour celles
de la moralité : elles se développent
à partir du sentiment de la pudeur, qui tend à
faire grandir, s’épanouir l’homme
intérieur, et par conséquent à
révéler (manifester) la gloire de
l’homme intégral (corps, esprit et âme
établis dans une parfaite relation).
La continence est donc une nécessité. Mais en
premier ordre seulement, s’agissant de garantir
d’abord l’intégralité de la
personne, c. à d. l’unité ordinaire de
son être.
Elle
n’est en effet qu’un commencement, car
l’homme est un être personnel et social, donc
dépendant, solidaire et appelé à une
unité d’ensemble, pas seulement à une
unité personnelle.
Le
sentiment de pudeur se manifeste en ce domaine dans la conscience des
actes posés susceptibles d’un retentissement
social. On ressent toujours ici (et on emploie le mot)
‘honte’, quand on va à
l’encontre du bien commun par le fait de
l’égoïsme.
La
réaction morale face à ce nouveau mal est le
sentiment de ‘pitié’, que l’on
peut comprendre comme une ‘pudeur sociale’.
Cependant, l’oeuvre de son unité personnelle et
sociale n’est pas au pouvoir de l’homme.
L’ordre normal des choses lui demeure caché et se
révèle inaccessible lorsqu’il se
découvre. C’est contre cette infirmité
que réagit le sentiment religieux. « Ta
force est en Dieu ... », dit ce dernier, « tu peux
t’abandonner à Lui ... et par Lui entrer dans ta
perfection ... l’anomalie de ta vie est que tu n’es
pas en communion avec le principe divin ... en rétablissant
ton union avec Lui, tu dois, et tu peux corriger cette anomalie.
»
Le
bien moral est donc un moyen d’atteindre en
réalité le bien véritable ou
béatitude : le bonheur est un aspect du bien. Il faut
vouloir ce qui est bon pour le bon lui-même.
Comment se fait-il alors que l’accomplissement du devoir ne
donne pas satisfaction complète et même que la
vertu ne donne jamais complète satisfaction? 1
La
raison en est que personne n’accomplit jamais son devoir en
perfection, parce qu’il ne le veut jamais effectivement tel.
Nul n’a la volonté effective de ne vouloir que le
bien, et le bien pour le bien lui-même. La volonté
de l’homme n’est pas autonome, libre : elle est
astreinte à la loi de l’existence
matérielle, limitée à ce titre2 .
Le bien est donc séparé du bonheur non par
l’essence de ses exigences, mais par les obstacles
intérieurs qui s’opposent à leur
accomplissement : le Bien parfait, pur, autonome, donne satisfaction
parfaite. Il n’est par conséquent pas de
contradiction entre l’eudémonisme (morale qui a
pour but le bonheur de l’homme) et la moralité
pure.
Des
sentiments ou des principes moraux sont un bien relatif.
La
raison et le sentiment nous poussent à passer
au-delà, c'est-à-dire au Bien suprême
en son essence absolue, qui n’est soumis à rien
d’accidentel, à aucune limitation
extérieure.
La conscience nous demande de prendre l’attitude qui convient
à l’égard de toute chose.
Présente en chacun, elle témoigne de
l’ordre moral de l’univers, et par
conséquent d’un « législateur
» absolu : Dieu et l’âme ne sont pas des
postulats, mais des forces agissantes dans la
réalité morale.
Ainsi
le Bien existe-t-il en soi, et on peut dire que sa mesure va croissant
dans l’humanité, non qu’il y ait plus de
vertu dans l’humanité, mais en ce sens que le
niveau des exigences morales reconnues comme universellement
obligatoires s’élève. Comment
l’expliquer autrement, selon Soloviev, que par
l’effet général positif du milieu moral
ou spirituel dans lequel vit l’humanité ? Nous
devons admettre la réalité d’un milieu
surhumain qui alimente la vie collective de
l’humanité et conditionne son progrès
moral. Et cette réalité du Bien surhumain
s’exerce sur tout ce qui est capable de l’accepter,
par conséquent sur la vie morale personnelle de
l’homme (pas seulement collective).
_________________
1. Bien
des gens peuvent quand même témoigner du contraire
...
2.
C’est vrai bien souvent, mais là encore il y a des
témoins du contraire.
Ce
n’enlève rien à l’affirmation
selon laquelle devoir ou vertu et satisfaction ne font pas facilement
bon ménage.
Ch. 2 : Le principe absolu de la
moralité.
La nature morale de l’homme, qui s’exprime au
travers des sentiments de pudeur et de pitié, lesquels ne
sont pas que des phénomènes psychiques mais bien
la révélation d’une
vérité universelle, est la manifestation
d’un principe qui lui est supérieur : celui de son
essence spirituelle, supra-matérielle, et celui de son
unité essentielle ou de sa solidarité avec tous
les êtres.
Tout argument est sans force devant une réalité
que nous vivons.
Le
fait de la pudeur manifeste que nous ne sommes pas des animaux.
Le
fait de la pitié témoigne de
l’existence d’autrui comme de soi-même.
La
conscience religieuse, témoigne de l’existence
d’un être transcendant, dont nous reconnaissons les
traits en approfondissant – un être dont nous
dépendons, nous et tout ce qui existe, bon, tout puissant,
éternel, présent, agissant …
La réalité de la Divinité
n’est pas une déduction 1 mais
un fait d’expérience.
Cette
réalité, perçue dans notre existence
temporelle, terrestre, se traduit psychologiquement par un sentiment
d’amour révérant qui est comme une
triple reconnaissance : celle de notre imperfection (ou
indignité), celle de la perfection divine, et celle de la
nécessité de nous perfectionner, ce qui est la
tâche de notre vie.
D’un point de vue strictement moral, il est clair aussi que
la conscience d’un idéal supérieur avec
lequel nous ne sommes visiblement pas en harmonie nous oblige
à un incessant effort de perfectionnement.
La plénitude du bien, qui est sa perfection et son
unité avec le bonheur, peut être
considérée sous trois angles :
-
l’absolue et éternelle perfection de Dieu,
-
la perfection potentielle de l’homme, dont il a
l’idée, dont il conçoit
l’idéal,
-
l’effort, ou l’œuvre de perfectionnement.
Tout
le développement historique du monde, physique autant
qu’humain, est un cheminement vers la perfection, son but
étant la justification finale du bien reçu pas
notre conscience et notre volonté.
Tout comme, dans la nature, l’esprit humain a
exigé pour apparaître le plus parfait des
organismes physiques, l’Esprit divin, pour
s’établir dans l’humanité (le
Royaume de Dieu) exige la plus parfaite des organisations sociales 2 .
__________________________
1.
Quoique …
2.
Il faudrait à mon avis ici nuancer l'affirmation, sans lui
enlever rien
de sa force. Car si en effet il a été possible
dans le cours de
l'évolution d'aller sans cesse du plus simple au plus
complexe sans
accident de parcours, les choses étant toujours,
à tous les stades, en
parfaite correspondance avec le projet sous-jacent, il n'en est pas de
même pour l'humanité, qui, dans l'exercice de sa
liberté, a introduit
et introduit sans cesse l'imperfection dans le dispositif. La
perfection sociale vers laquelle s'achemine l'humanité est
de ce fait
impossible à atteindre naturellement. Elle ne peut advenir
un jour que
par une action extérieure à
l'humanité, qui apparaîtra en temps voulu
et dont l'histoire prépare la venue. Il en sera alors
comme au temps
de l'incarnation du Fils de Dieu, dont l'humanité n'avait ni
mérité ni
conquis la venue - et dont la suite a montré du reste
qu'elle n'en
voulait pas. Quand les temps seront mûrs, le Royaume de Dieu
adviendra.
Il appartient d'ici là à chacun de se
positionner, tous étant appelés à
oeuvrer dans le sens voulu, mais personne n'y étant
obligé.
A
titre personnel, cette remarque est importante. Car ce qui importe
d'abord, pour connaître la perfection au moins dans ses
prémices dans
le temps de notre vie, c'est d'être réceptif
à l'annonce du Royaume -
ce qui suppose en conséquence l'écoute, la
confiance, la foi et la
correspondance à celle-ci par les oeuvres.
A la différence de l’évolution
cosmique, l’évolution historique
s’effectue avec une participation croissante des agents
individuels, en sorte qu’à un certain
degré de développement intellectuel et moral,
l’homme individuel doit inévitablement prendre
position par rapport aux grandes questions de l’existence.
Le
développement historique se présente donc comme
une long et difficile passage de l’état zoo-humain
à l’état théo-humain.
Le fait que le monde soit donne à penser qu’il
doit y avoir en lui une activité positive de Dieu,
qu’il doit donc constituer un moyen, être un
passage, et comme les choses ne se font jamais toutes seules, que
l’homme y est appelé par Dieu à
être un collaborateur volontaire, prenant part à
son projet. Ainsi chaque personne a-t-elle en principe vocation
à s’unir à Lui, à vivre dans
son intimité, en communion, et ainsi encore,
l’histoire universelle apparaît-elle comme la
réalisation progressive de cette vocation par tous.
La perfection est un état intérieur que
l’on n’atteint que par son expérience
propre, qui requiert une purification, c'est-à-dire un
effort pour se débarrasser de tout ce qui n’est
pas compatible avec un état parfait, et plus que cela, ou
autrement dit, une préférence volontaire et
constante du bien au mal en chaque chose.
L’objet de la religion est d’unir notre
volonté à la volonté de Dieu.
La
volonté de Dieu est bonne et elle embrasse tout.
S’unir
à elle constitue par conséquent une
règle d’or, une règle absolue et
universelle d’action.
Avant tout, Dieu nous veut à son image.
En
correspondance, nous sommes appelés à manifester
notre affinité avec Lui, notre détermination
d’atteindre la perfection, à considérer
toutes choses à sa manière.
Voir
par exemple le mal comme Dieu …
Dieu
nie le mal à titre définitif, et en vertu de
cette dénégation, le mal est condamné.
Mais
il le permet à titre transitoire, comme
nécessité pour l’obtention du Bien
suprême.
Exigeant de l’homme sa conformité avec Dieu, le
principe absolu de la moralité n’abolit pas mais
confirme et éclaire toutes les exigences morales
particulières qui découlent des sentiments de
pudeur et de pitié.
La
pitié prend son plein sens quand nous voyons en tout
être humain l’image de Dieu, pas seulement un autre
nous-mêmes. Nous reconnaissons alors sa dignité
absolue, le considérant parce que Dieu le
considère, comme Dieu le considère, et
au-delà des devoirs naturels d’altruisme
à son égard, soucieux de son devenir
intérieur, c'est-à-dire de sa ressemblance
effective avec Dieu. Logiquement, nous sommes alors amenés
à servir dans ce sens les institutions civiles et
d’Eglise, qui sont des moyens de vie indispensables, des
moyens dont Dieu se sert.
La
pudeur aussi prend son plein sens lorsque nous étendons au
domaine matériel le souci de la perfection et finissons par
voir dans le corps de l’homme la demeure
prédestinée de l’Esprit saint et dans
la nature l’œuvre de Dieu.
Ch.
3 La réalité de l’ordre moral.
Au principe absolu de la moralité correspond en
l’homme une aptitude à s’y conformer,
personnellement et socialement, sans quoi ce principe
n’aurait pas de sens, puisqu’il serait sans effet
sur la réalité.
Nous éprouvons Dieu comme un être parfait et
absolu.
Notre
âme se révèle à nous comme
quelque chose de distinct des éléments et des
faits matériels, en butte bien souvent à ceux-ci
dans la nécessité où elle se trouve de
les dominer.
Mais
l’expérience nous montre que
l’âme et la matière, quoique distincts,
ne sont pas séparées : leurs essences sont
liées et en interaction constante, et de plus elles ont un
sens, qui est la manifestation universelle de Dieu en elles.
La réalisation progressive de cette manifestation correspond
à ce que nous appelons du terme de «
règne » : règne minéral,
règne végétal, règne
animal, règne humain, règne de Dieu, autant de
plans ascendants d’existence, auxquels on peut associer une
signification morale, par exemple :
-
Appui solide, fondement, satisfaction de soi, conservatisme
… au premier degré. On est, mais on ne vit pas.
-
Tension vers la lumière, la chaleur,
l’humidité, enracinement dans le
minéral, accommodation au temps, au rythme de
l’univers, reproduction, abnégation, don de soi
… au second degré. La plante existe, vit et meurt.
-
Recherche d’une plénitude sensible, distinction du
monde environnant, participation active (aux portes de
l’amour) à la reproduction, soumission
à l’état des choses … , au
degré de l’animal.
-
Conscience des choses, distinction par rapport à elles,
capacité de raisonnement, d’échange,
d’abstraction, de bien, de mal et d’amour,
perception de l’invisible …, au niveau suivant de
l’homme.
Chaque
degré n’a pas une fin en soi, mais, tout en
demeurant lui-même, participe, en s’y transformant,
à l’élaboration et au maintien du
degré supérieur, entrant ainsi dans un plan de
vie organisé, jusqu’à faire
qu’en arrivant à l’homme celui-ci cesse
d’être purement homme (au sens charnel du terme)
pour participer à son tour au plan de vie de Dieu.
Jésus est l’icône vivante, historique,
de l’homme parfait.
Toute
la création tend vers la manifestation de cet homme nouveau
dans l’humanité :
-
En passant du monde minéral à celui du
végétal, qui est déjà celui
de la vie, apparaît quelque chose d’autre et de
plus grand, qui ne s’en déduit pas 1 .
-
En passant du végétal à
l’animal, apparaît à nouveau quelque
chose d’autre et de plus grand encore, qui ne s’en
déduit pas plus.
-
Ainsi en est-il du plan humain, qui présente un
plus certain par rapport à celui de l’animal, ne
serait-ce que parce que son perfectionnement dépend pour une
part de lui-même, dans l’exercice de ses
facultés de raison et de volonté.
-
On conçoit alors que le règne de
l’homme spirituel, concevable en Jésus, qui est
l’établissement du Royaume de Dieu, ne
puisse advenir comme le résultat ininterrompu d’un
monde purement humain.
L’évolution est un fait.
Mais
un type inférieur d’existence ne peut
créer par lui-même un type supérieur :
il assure simplement les conditions préalables
nécessaires à sa manifestation. Le contenu
positif du type supérieur ne surgit pas tout à
coup de rien mais existe de toute éternité :
quand il apparaît, il ne fait qu’entrer
à un moment de l’évolution dans un
autre ordre d’existence, le monde des
phénomènes. Les conditions d’apparition
du phénomène proviennent de
l’évolution naturelle du monde
matériel, ce qui y apparaît vient de Dieu 2 .
Les plans fondamentaux d’existence ont entre eux une
relation, qui donne à l’ensemble du
développement une unité. En effet
-
Chaque type d’existence présente une condition
nouvelle, nécessaire à la réalisation
du but suprême, qui est la révélation
de la liberté et de la gloire des enfants de Dieu. De fait,
pour en arriver là, un être doit d’abord
exister, puis être vivant, ensuite encore raisonnable, enfin
parfait : les règnes inférieurs font partie de
l’ordre moral, comme conditions nécessaires
à sa réalisation.
-
En outre, chaque type d’existence tend vers le
supérieur, dans lequel il trouve sa justification,
manifestant ainsi le caractère finaliste de tout le
développement.
Ainsi, le Royaume divin ne supprime rien des types
inférieurs d’existence, mais il les met
à leur vraie place, comme des organes à la fois
spirituels et physiques d’un univers ayant
retrouvé son centre.
En
l’homme, toute la nature est
récapitulée, présente,
concentrée.
Et
en lui aussi, se trouve la capacité du divin, qui en fait le
prêtre de la création, celui qui y retourne tout
à Dieu. Mais pour que cette capacité devienne
réalité, il a besoin d’être
fertilisé par un acte extérieur
créateur, qu’on appelle « la
grâce ».
Entre la perfection absolue et le bien relatif, plus qu’une
différence de degré, c’en est une
d’essence ou de qualité : la perfection est autre
chose que l’aboutissement du bien dans sa tendance vers elle.
Jésus
en ce sens n’est pas le dernier mot du règne
humain, mais le premier de celui de Dieu en l’homme : il
apparaît dans l’histoire, et non à sa
fin. La première partie de cette histoire
préparait les conditions nécessaires de la
révélation du Dieu - Homme dans
l’humanité toute entière – la
révélation n’est pas encore la
réalisation.
Comme il a fallu l’acceptation d’une femme pour
l’incarnation personnelle du Christ, il faut que
l’humanité accepte l’incarnation
universelle du Christ en elle. Sa tâche essentielle est
d’accepter le Christ et de considérer toute chose
dans son esprit. L’esprit du Christ est pour elle,
à la fois le principe absolu du bien et sa
plénitude. « Soyez parfaits comme votre
Père céleste est parfait ». Soyez, pas
‘Sois’ …
Ceci
introduit à la question des conditions qui
déterminent la réalisation concrète,
historique, de la Société parfaite (ou de
l’homme collectif parfait).
_____________________
1.
Il serait absurde en effet de penser que le plus puisse être
une production du moins, que quelque chose puisse provenir de rien.
2.
A noter toutefois que ce qui est ne cesse jamais de provenir de Dieu,
en qui tout est dans un éternel présent
Et
en lui aussi, se trouve la capacité du divin, qui en fait le
prêtre de la création, celui qui y retourne tout
à Dieu. Mais pour que cette capacité devienne
réalité, il a besoin d’être
fertilisé par un acte extérieur
créateur, qu’on appelle « la
grâce 1
».
Entre la perfection absolue et le bien relatif, plus qu’une
différence de degré, c’en est une
d’essence ou de qualité : la perfection est autre
chose que l’aboutissement du bien dans sa tendance vers elle.
Jésus en ce sens n’est pas le dernier mot du
règne humain, mais le premier de celui de Dieu en
l’homme : il apparaît dans l’histoire, et
non à sa fin. La première partie de cette
histoire préparait les conditions nécessaires de
la révélation du Dieu - Homme dans
l’humanité toute entière – la
révélation n’est pas encore la
réalisation.
Comme il a fallu l’acceptation d’une femme pour
l’incarnation personnelle du Christ, il faut que
l’humanité accepte l’incarnation
universelle du Christ en elle. Sa tâche essentielle est
d’accepter le Christ et de considérer toute chose
dans son esprit. L’esprit du Christ est pour elle,
à la fois le principe absolu du bien et sa
plénitude. « Soyez parfaits comme votre
Père céleste est parfait ». Soyez, pas
‘Sois’ …
Ceci introduit à la question des conditions qui
déterminent la réalisation concrète,
historique, de la Société parfaite (ou de
l’homme collectif parfait).
___________
1. Soloviev n'aborde pas ici la question "du salut" qui, me
semble-t-il, fait question. Car si l'homme a sans doute besoin
d'être "fertilisé", il a d'abord besoin
d'être sauvé, ce qu'il est par grâce
justement. Son salut est un préalable, qui n'a pas
à voir avec l'évolution. C'est peut-on dire un
rattrapage de celle-ci. Soloviev souligne toutefois que
Jésus n'est pas le produit de l'évolution
historique, mais la manifestation de Dieu Lui-même et
l'incarnation de la Perfection
décembre 2007
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