
(Echanges. Contribution Jean-Claude. Janvier 2006)
La
démocratie en France
. UNE GESTATION DOULOUREUSE
. UNE PRATIQUE DEMOCRATIQUE INSUFFISANTE
. UNE DEMOCRATIE DURABLE POSSIBLE
Préambule :
quelle définition pour la démocratie ?
- régime dans lequel le pouvoir est exercé par le
plus grand nombre
- ou gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple
- ou régime qui assure l'identification des gouvernants aux
gouvernés
Je retiendrai celle du ROBERT : " c'est une doctrine politique
d'après laquelle la souveraineté doit appartenir
à l'ensemble des citoyens." mais cette doctrine
basée sur l'égalité de tous les
citoyens doit s'appuyer sur des institutions qui garantissent cette
égalité (suffrage universel), sur le respect d'un
certain nombre de principes contenus dans la Déclaration des
Droits de l'Homme et des citoyens et sur la garantie que les
représentants des citoyens (démocratie
parlementaire) exercent leur pouvoir dans le respect de la
volonté du peuple, le citoyen rexpectant à son
tour les décisions prisent par les gouvernants et plus
particulièrement les
lois.
A ) Une gestation douloureuse :
Depuis 1787 les Etats Unis vivent avec une seule constitution,
plusieurs fois amendée mais dont les grands principes n'ont
pas été remis en cause et dont l'application a pu
évoluer sans grande difficulté. Leur histoire
constitutionnelle n'a connu qu'une seule grande crise nationale : la
guerre de secession qui de 1861 à 1866 a failli faire
éclater la Féderation.
Depuis 1789 la France a connu :
- plus de 15 constitutions
- autant de régimes politiques allant de régimes
d'assemblée (Convention) à la dictature d'un
seul (Empire) en passant par des régimes de
monarchie parlementaire, où la démocratie s'est
progressivement développée. A partir de 1875 la
République s'installe et les institutions vraiment
démocratiques se confortent mais lentement : ainsi le
suffrage universel n'est complet qu'avec le vote des femmes
à partir de 1945 ( les femmes turques votaient
déja depuis longtemps).
- deux crises trés graves depuis l'instauration de la
République ( la Commune et Vichy) démontrant la
relative faiblesse de l'enracinement démocratique.
Cette laborieuse gestation reste d'actualité puisque
certains ( plutôt à gauche qu'à droite
) estiment que la Constitution de 1958 mériterait de laisser
la place à une 6ème république (soit
en renforçant le rôle de l'assemblée,
soit en supprimant la dualité de l'executif).
B) Une pratique
démocratique insuffisante :
La solidité de la démocratie
américaine reposait selon Tocqueville sur :
- un sentiment d'égalité trés fort (
les premières communautés se sont
crées aux E.U à partir d'individus tous
égaux sans être marqués par un
passé féodal et aristocratique de leurs
sociétés d'origine)
- un consensus social affirmé et une confiance dans les
institutions mises en place ( locales d'abord et
fédérales ensuite)
- le lien trés fort que constituait la religion.
En France la démocratie est vécue depuis
longtemps sous la forme d'opposition idéologique (
libéralisme contre socialisme, laïcité
au départ anti religieuse) d'affrontements politiques gauche
contre droite. C'est une démocratie de conquête
plus que de recherche prioritaire de l'intérêt
géneral dans un contexte de dialogue constructif. Les
moments de consensus sont rares au contraire tout est fait semble t-il
et notemment par les médias de mettre en valeur les
oppositions soit disant irréductibles entre droite et
gauche. Le rappel permanent à l'histoire 'conquête
sociale, conquête politique) le socle intangible des droits
acquis rendent difficile les réformes.
Le lien social facteur de démocratie s'est
atténué. Ceux qui permettaient à la
société d'avoir une relative cohésion
se sont effilochés :
- lien à la religion
- lien à la terre ( dans un pays resté
profondément rural jusqu'au 20ème
siècle)
- lien à la famille
- lien à la patrie (le service national permettait un
certain brassage social)
- l'appartenance à la classe ouvrière constituait
un facteur d'intégration sociale
Par quoi ces liens traditionnels ont-ils étaient
remplacés ?
Certains évoquent la vie associative, l'activité
sportive ou culturelle, n'hésitent pas à
considérer que la jeunesse bénéficie
de nouveaux liens à travers les modes vestimentaires et les
grands rassemblements musicaux. La participation momentanée
à des actions humanitaires ou pour les jeunes catholiques
aux JMJ peut elle remplacer les liens traditionnels.
D'autres enfin considèrent le developpement de la
démocratie locale comme un facteur de cohésion
sociale; mais cela peut être aussi vécu comme un
repli sur soi face à des entités auxquelles on
participe de loin "Nation Europe"
Ainsi notre démocratie présente des
éléments de pathologie inquiétante :
- individualisme forcené
- narcissisme exacerbé
- communautarisme
- hédonisme
Sur le plan politique , notre démocratie présente
des ratées :
1) non respect de l'expression du suffrage universel
lorsque la droite arrive au pouvoir l'opposition avec le soutien d'une
partie de la presse évoque le troisieme tour de scrutin que
constituent les grèves , les manifestations afin d'empecher
la majorité de mettre en oeuvre son programme
2) non respect de la loi et fragilité de l'état
de droit
la liberté du travail n'est plus respectée
l'orsqu'une minorité impose ses décisions
à la majorité des salariés qui
souhaiteraient reprendre le travail,
les casseurs ne sont pas toujours les payeurs,
la justice a de moins en moins la confiance des justiciables
3) la décision prise par les gouvernants ( ou la non
décision ) est le plus souvent
présentée comme le résultat d'un
rapport de force, avec un gagnant et un perdant , mais trés
rarement comme le résultat d'une négociation ou
d'un compromis
4) lorsque l'Etat intervient c'est sous forme d'arbitrage et
non au terme d'un consensus
5) enfin , l'absence d'éthique chez
certains responsables affaiblit la confiance des gouvernés
dans leurs gouvernants.
C - Pour une démocratie
durable .
Il est possible ( et tout à fait nécessaire ) de
renforcer la vie démocratique et notamment de redonner
confiance aux gouvernés face à leurs gouvernants.
- la politique ne peut donner l'impression d'être
exercée par les professionnels de la politique mais par les
citoyens eux même au travers de leurs
représentants : nécessité de limiter
le nombre et la durée des mandats.
- la vie politique ne peut continuer à être
représentée comme un choc frontal entre le
gouvernement et son opposition, entre la droite et la gauche :
nécessité de rétablir le sens de la
négociation et du compromis.
La coalition en Allemagne entre SPD et CDU apparait
abhérente à beaucoup de français alors
que c'est à la fois une pratique démocratique au
service de l'intérêt géneral et le
respect du résultat des élections qui a mis
à égalité ces deux grandes formations .
Le compromis n'est pas forcément le résultat
d'une compromission mais un souci de pragmatisme et de
réalisme face à une approche
idéologique dans l'exercice du pouvoir.
- la démocratie exige la vertu ( Montesquieu) elle est donc
exigeante pour ses acteurs qu'ils soient gouvernés ou
gouvernants : ces derniers doivent mériter la confiance des
premiers, d'ou l'exigence éthique à leur
égard.
- mais la démocratie politique exige la cohésion
sociale et doit donc se traduire en termes économiques et
sociaux. Il est logique que l'acteur politique intervienne dans le
domaine économique et social lorsque la paix sociale est en
jeu ( emploi, logement, santé)
La démocratie ne s'exprime pas seulement en termes
politiques mais aussi en termes sociaux : les acteurs sociaux ont aussi
à respecter la démocratie à
l'intéreur de leur syndicat et dans leur action publique (
lorsque l'on représente 7% des salariés on ne
peut pas imposer son point de vue aux autres partenaires).
Des progrés ont été
réalisés dans la démarche
démocratique:
- sur le plan politique : acceptation de l'alternance, cohabitation
sans drame... ect
- sur le plan social sans revenir à l'état
providence l'état doit garder un rôle de
régulateur lorsque la cohésion sociale est en jeu
et la loi du marché ne peut pas s'imposer sans
considération sociale ou simplement humaine.
Mais il reste beaucoup à faire......
Bibliographie
- Tocqueville
" De la démocratie en Amérique" tome 1 tome 2
- Jean
Cottave et Claude Neuschwander "La démocratie
durable"
- Cynthia
Fleury " les pathologies de la démocratie"