Communication
de PjmB
LA RICHESSE
1/ DIVERSES FORMES DE
RICHESSE
UN PEU DE SEMANTIQUE
Richesse nf : abondance de quelque chose de désirable,
communément de biens matériels,
d’argent ...
Pour y voir plus clair examinons le mot riche adj. qualificatif.
qui s’applique aux personnes : « mon tailleur est
riche » avec le sens ordinaire qu’il gagne bien sa
vie. De nos jours, ce serait plutôt « mon banquier
» qui est riche.
mais cet adjectif s’applique aussi à la
terre : « une terre riche » signifie
qu’elle est très fertile
et à la poésie : « un rime riche
» au sens qu’elle accumule des sonorités
analogues
et même à des concepts abstraits : « une
riche idée » va apporter des solutions excellentes.
Retenons deux points clés : la richesse sous-tend une notion
d’accumulation et une notion de service rendu à la
collectivité.
Au passage notons que richesse n’est pas tout à
fait synonyme de fortune, car ce dernier mot a une petite connotation
d’aubaine ou de prise par la force, comme dans
l’expression « fortune de mer ».
DIVERSES SORTES DE RICHESSE
Examinons d’abord comment on devient riche.
En premier au sens économique. Les quelques exemples
précédents nous ont mis sur la piste
d’un processus d’accumulation. On devient riche par
l’exercice de ses talents, de ses capacités. Mais
cela ne suffit pas.
Confusément on voit que l’enrichissement
nécessite un facteur supplémentaire. La
volonté d’entreprendre. L’entrepreneur
procure à ses clients un bien ou un service
désirable et reçoit de l’argent en
échange. Tout le monde y gagne. Les professions
libérales sont à classer dans la même
catégorie. Les artistes et assimilés aussi. La
notion de service rendu à la collectivité peut
avoir de multiples facettes.
On peut aussi s’enrichir au sens culturel. Les
études, l’apprentissage sont clairement des
processus d’accumulation. Mais cela suffit-il ? Il semble que
le partage et la transmission des connaissances avec les autres soit un
facteur important de cet enrichissement individuel.
On peut s’enrichir au sens relationnel. De tout temps, une
famille qui vous soutient dans les épreuves constitue une
vraie richesse. Plus largement, les voisins, les amis, une
communauté d’intérêt, un
réseau d’entraide sont autant de richesses. Vaste
sujet que nos jeunes sont en train de
dépoussiérer à coup de facebook et de
twitter.
On peut enfin s’enrichir au sens spirituel. Toutes les
religions et les philosophies insistent sur le fait que
l’effort sur la voie ascendante est une somme de petits pas
pour atteindre les niveaux supérieurs de la sagesse. Mais
celui qui dans cette quête négligerait le service
des autres risque de retomber de haut ou de sombrer dans la
folie. Le Bouddha nous l'a dit : c'est
l'attachement à nos passions qui est la source de
toutes les souffrances du monde.
2/ QUELQUES PARTICULAITES
DE LA RICHESSE ECONOMIQUE
Avant de poursuivre cette analyse, je voudrais vous raconter une
anecdote. Dans un documentaire récent de « Un
train pas comme les autres » l’animateur visite la
Roumanie. Il insiste sur le caractère détendu des
Roumains, très fiers de leurs origines latines.
Il rencontre un couple de paysans qui sarclent un petit champ de
maïs avec une charrue tirée par un cheval. Question
: C’est dur ? Oui, c’est fatigant, mais cela suffit
à nos besoins. Pourquoi n’achetez vous pas un
tracteur comme d’autres agriculteurs ? Nous n’avons
pas d’argent. Comme on n’en a pas, on n’y
pense pas. Ceux qui ont beaucoup d’argent, ils y pensent tout
le temps et ils ne sont pas plus heureux pour autant .
L’animateur insiste lourdement : vous devriez prendre un
crédit pour acheter un tracteur qui vous permettrait de
produire plus de légumes. Réponse fulgurante du
mari : pas question de faire un crédit car je devrais
rembourser à la banque deux fois le prix. Je veux rester
libre. La femme approuve.
Nous retiendrons de ce mini choc culturel que la richesse est une
notion relative à l’époque et
à l’environnement économique et social
d’un village, d’une région ou
d’un pays.
RICHESSE ET POUVOIR
L’étymologie du mot « riche »
est révélatrice : il dériverait du
francique « riki » qui signifie «
puissant ». Comme dans le nom du roi des Francs Childeric qui
signifie « puissant au combat ».
Pendant longtemps, richesse et pouvoir politique ont
été confondus. Sous la
chrétienté le pouvoir était
accordé au nom de Dieu à des puissants pour
qu’ils assurent la sécurité de leurs
sujets et si possible secourent les plus démunis. La
cérémonie d’action de grâces
lors du jubilé de la reine Elisabeth II nous l’a
rappelé. Cependant, en particulier dans les
régimes démocratiques, les choses se sont
complexifiées. Dans les républiques et
même dans les monarchies constitutionnelles, c’est,
en théorie, le vote populaire qui a le
dernier mot. Mais d’autres pouvoirs on
émergé : publicité, presse, radio,
télévision …
RICHESSE ET COMPORTEMENT PRIVE
Que font les riches de leurs revenus ?
Après avoir payé des impôts souvent
importants, ils dépensent, essentiellement dans la gamme des
objets de luxe correspondant à leur rang et parfois
à leur métier. Céline Dion
n’achète pas ses tenues
décontractées à Monoprix et ses robes
de scène sortent des départements
clientèle privée top du top de la haute couture.
Mais, si cette clientèle n’avait pas les moyens de
payer, ce serait tout un pan de la création artistique
et de l’artisanat qui plierait bagages.
Mais surtout, le riche avisé investit. En début
de carrière, pour augmenter et consolider sa position. Plus
tard, et souvent quand il est devenu très riche, pour
laisser un souvenir tangible de son passage sur terre sous forme
d’œuvres caritatives, de fondations humanitaires.
Telles les pyramides pour les pharaons, les fondations sont les
monuments funéraires des temps modernes. Sans parler de la
création des archives privées de tel ou tel homme
politique, ou la création de lieux de culture aux frais de
la nation, comme la grande bibliothèque François
Mitterand.
Il n’en reste pas moins que, même en France
où l’emprise de l’Etat providence est
très forte, le secteur associatif privé remplit
un rôle social essentiel grâce à la
conjonction des efforts de bénévoles et aux dons
de riches mécènes.
Les riches et la démographie
Au moyen âge, les riches et les puissants
transmettaient leurs privilèges à leur fils
aîné, faisaient faire des études aux
cadets pour qu’ils puissent briguer une position ou un
métier adapté à leur rang, et dotaient
leurs filles afin de les marier convenablement. Les fratries
comportaient couramment dix enfants et plus, mais la
mortalité infantile limitait quelque peu les
dépenses des pères. Si ces pères
exceptionnellement vivaient assez longtemps, ils pouvaient
s’occuper du salut de leur âme, donner leurs
immeubles et fonder un hospice pour les malades. Je pense à
l’hôpital AUFFREDY fondé vers 1220
à La Rochelle par un armateur local.
Au XIX° et surtout au XX° siècle, les choses
se sont gâtées. Louis Pasteur et Flemming avec les
vaccins et la pénicilline ont ouvert la boite de Pandore de
la démographie galopante. Le nombre de rejetons à
entretenir et à pourvoir a explosé. Il
a fallu s’organiser pour sélectionner les plus
aptes. Merci Charles Darwin.
Les riches face à la jalousie
A la même époque, l’instruction
publique, sous la houlette de Jules Ferry, a fait émerger
des talents qui restaient inexploités du temps où
le peuple était largement illettré.
Certains de ces nouveaux diplômés
réussissent et font fortune, d’autres pas.
Question de tempérament. Du coup la jalousie entre pauvres
et riches augmente. Exacerbée par la publicité
et, disons le clairement, par le style de vie d’une classe
intermédiaire de « bobos » du monde des
arts et du spectacle. Jalousie entretenue par des avocats et
des enseignants qui ont choisi de faire carrière en
politique. Ce sont les plus redoutables : alors que les riches
pratiquent souvent le mécénat avec leur
propre argent, eux font des lois soit disant « pour plus de
justice sociale ». En clair pour prendre une partie de la
liberté d’entreprendre et de la fortune des plus
riches qu’eux, en vue de la « redistribuer
» aux plus démunis, non sans avoir au passage
arrosé leur propre clientèle de beaucoup de
privilèges. Il semble que le phénomène
soit particulièrement sensible en France où
à chaque alternance au pouvoir, une nomenklatura chasse la
précédente.
LA RICHESSE DES NATIONS
Quoiqu’il en soit, on est toujours le riche de
quelqu’un.
Cette sociologie est dépendante de
l’époque, de la zone géographique, de
la démographie. Elle est valable au niveau des individus, de
la famille mais aussi des nations.
Depuis le milieu du XX° siècle, le
développement des échanges internationaux, tant
marchandises que personnes, a introduit une nouvelle distinction ; il y
a des pays riches et des pays pauvres. Un pays riche a en
général des « richesses naturelles
» : pétrole, gaz, charbon minerais divers,
agriculture,. Le patrimoine culturel, le climat, les paysages qui
attirent le tourisme sont devenus une source de richesse.
Je pense qu’on devait inclure les gens riches dans les
ressources naturelles, surtout ceux qui se sont imposés par
leur talent et leur réussite. Ils sont un
réservoir important d’efficacité
économique. Un pays sans riches est un pays sans avenir. Le
système d’économie
administrée débouche, à
partir d’une certaine taille, sur l’enrichissement
d’une nomenklatura jouisseuse et sur la
paupérisation de la majorité.
L’expérience de l’URSS l’a
bien démontré. La Chine de Deng Xiaoping a
essayé de tourner la difficulté en dissociant
officiellement richesse économique et pouvoir du
Parti unique.
RICHESSE ET MONDIALISATION
La donne a changé. Le terrain de jeu, national au
début de l’ère industrielle, puis
colonial fin XIX° et début XX°
siècle, est devenu mondial. Les premiers a en avoir
tiré parti sont les riches, suivis récemment par
les jeunes générations de
diplômés.
Le tiers-monde se coagule en pays émergents, devenus
récemment émergés. Les trois BRIC
aspirent à conquérir plus de pouvoir politique
sur la planète. Tout ceci n’est pas
forcément mauvais.
Mais la donne change encore rapidement : c’est la
révolution numérique, la transmission quasi
instantanée « hic et nunc » des discours
et surtout des images. Cette avalanche d’information sur la
planète engendre plus de jalousie entre ressortissants des
pays pauvres et ressortissants des pays anciennement riches qui se
sentent menacés au quotidien. Ce d’autant plus
qu’une partie des professionnels de l’information
fait son fond de commerce d’entretenir l’envie.
Les riches privés occidentaux avec leurs œuvres
humanitaires internationales, les efforts des
bénévoles y compris les jeunes travailleurs
sociaux à l’étranger, ne suffiront pas
pour assouvir les appétits des pays émergents.
Les partenariats industriels verront leur impact limité dans
le temps. Les discours de nos politiques ne sont pas pris pour argent
comptant au Moyen-Orient, au Maghreb et encore moins dans le groupe du
BRIC. Ce n’est pas une raison pour lever le pied.
CONCLUSION
Soyons réalistes : jusqu’à ce que tous
les habitants de la planète soient convaincus que la
dépendance mutuelle entre tous les hommes doit conduire
à des échanges apaisés, les relations
sociales à tous les niveaux resteront encore pendant
longtemps des conflits d’intérêt. La
cité de Dieu ne se bâtit pas en un jour. Mais,
gardons espoir en pensant à la
sagesse du laboureur Roumain.