Communication de Jean-Paul M.



Autorité et confiance


Autorité et confiance sont de prime abord antinomiques l'une de l'autre, et pourtant elles sont strictement complémentaires. C'est ce que je voudrais démontrer ici :

Exercer l'autorité suppose un climat de confiance. Il peut en être autrement mais on parlera dès lors d'autoritarisme.
Des exemples me feront mieux comprendre. L'appel matinal : il s'agit d'un acte d'autorité élémentaire, peut-être un acte fondateur dans un climat de confiance il est vécu comme une signification que tout va bien pour chacun. Évidemment dans la défiance l'accent est mis sur une vérification que personne n'a fait le mur. La vigilance lors d'une inspection peut avoir deux buts : l'un peut être rapproché d'une visite médicale, à savoir que tout va bien ; l'autre, plus matériel, peut être vécu comme un abus de sollicitude. L'appel matinal a aussi une valeur symbolique de respect. Mais il va de soi que vidé de son sens, il prend une signification de vexation. Il n'est pour s'en convaincre que de faire appel à l'épisode contemporain du Parc des Princes (Marseillaise sifflée).Le contre-exemple du Parc des Princes mérite une explication. Le symbole consiste en trois attitudes : drapeau, hymne national, et geste. Par cet usage, le respect dû à ces trois signaux envisage une allégeance à tout le code symbolique de l'autorité : respect de classe et d'autorité.

L'autorité risque de changer dans un sens selon qu'elle se développe dans un climat de confiance ou de défiance. Quatre exemples d'ordres médicaux et sociaux en font la démonstration.

1. L'exemple du concombre espagnol : une véracité attribuée à des experts de façon prématurée a donné lieu à un effondrement du cours des concombres espagnols.
2. La vaccination contre la grippe aviaire : une Secrétaire d'État à la Santé a par excès de principe de précaution fait dépenser un argent fou aux contribuables, alors qu'un climat de confiance entre les médecins et les patients aurait suffit à affiner tout ça.
3. Les prothèses mammaires : il y a eu là une véritable falsification de l'usage de prothèses moins tarifées. Ceci signifiait un climat de défiance entre les patients et leurs médecins. Autrement, ceci n'aurait pas été possible.
4. L'exemple du Mediator : alors que tout laissait à penser que les laboratoires Servier étaient incarnés par un homme d'honneur, il en fut tout autrement.

Il s'agit d'exemples d'origine médicale parce que je suis plus à l'aise avec cela. Et on doit penser que c'était un dernier refuge pour la notion d'honneur qui se situe entre le patient et son médecin.

Du côté du rationnel, on doit placer les experts. La rationalité s'oppose à l'inconscient. On pourrait opposer l'éthique allié à l'inconscient et la morale alliée au domaine rationnel.


 Comment regagner la confiance ?

Il y a trois voies pour cela :

– l'une prend un maximum de temps. Elle repose sur la première enfance et sur ce que les parents sont susceptibles d'y faire. Il s'agit sans se lasser de transformer la dépendance du nourrisson en germe de confiance à l'égard de ses parents. Les parents n'ont pas besoin de preuve, il suffit qu'ils répondent dans un délai raisonnable aux désirs exprimés par l'enfant.
– La seconde voie est vouée à l'échec et elle en a fait la démonstration. Elle consiste à emprunter la voie du rationnel en nommant des experts à proportion de leurs compétences.
Chaque échec est grave et ruine le « capital » de confiance, d'autant plus qu'il ne fait pas l'objet d'un désaveu de la part de ceux qui l'ont commis.
– La troisième voie est une impasse. Elle consiste à créer des situations d'autorité de façon hiérarchique sans se préoccuper du climat de confiance dont elle doit nécessairement être assortie.

Autrement dit, il n'y a qu'une seule voie pour rétablir le climat de confiance. Il faut utiliser la dépendance initiale de la première enfance et attendre que la confiance aveugle se mue progressivement en confiance éclairée.

Que ce soit Harry Potter, le Seigneur des Anneaux ou même les mangas, chaque génération a ses « temps héroïques ». Il convient de ne pas laisser passer cette phase constructive pour élaborer une véritable culture de l'imaginaire. Celle ci doit être incessante, elle doit s'affranchir des frontières entre deux catégories d'existence : celle du réel et celle du virtuel. Les héros à la fois existent, et n'existent pas. Il est souhaitable que pendant un certain temps, le Père Noël soit dans ce cas.

Il faut bien sûr sortir par le haut de cette précarité de connaissance, mais il convient à la nature humaine de traiter l'irrationnel avec un minimum de respect. Ceci existe sans que l'on soit capable de se le représenter. Il s'agit d'une véritable culture de l'irrationnel à opposer à la culture du rationnel.