Groupe ‘Echange’.
De la mentalité positive et du discernement.
(JF C. Juillet 2010)
J’ai choisi de traiter ce sujet parce que la notion de
« pensée positive », qui m’est
apparue tardivement, j’avais plus de 40 ans, a
été pour moi une découverte de grand
bénéfice, un tournant dans l’existence
puis-je dire, mais aussi une des raisons d’un accident
professionnel sérieux, dont la leçon me
paraît avoir portée générale.
En réfléchissant à ce sujet, je me
suis peu à peu rendu compte qu’il était
beaucoup plus vaste que je ne pensais et pas aussi simple.
J’ai donc dû en fait me contenter de
l’aborder et de n’en proposer que quelques
idées, dont je suis conscient de l’insuffisance.
Je le dis pour commencer afin de ne point éveiller en vous
un esprit critique justifié qui vous ferait passer
à côté de ce qu’il peut y
avoir justement de positif dans ces idées : elles auront,
espérons, le mérite de susciter une
réflexion, une prise de conscience peut-être, en
tous les cas un débat contradictoire.
On peut donner de la ‘mentalité
positive’ bien des définitions.
Comme il m’en faut choisir une pour en parler, je propose
celle-ci :
La mentalité positive est une tournure d’esprit
qui consiste à voir ou à chercher habituellement,
en soi, chez autrui ou en toute situation, ce qu’il peut y
avoir de beau ou de bon et à le valoriser.
On comprend d’emblée, puisqu’il
s’agit de ‘voir’, et de
‘choisir’ dans ce que l’on voit, la
nécessité du discernement : le discernement est
en effet précisément la faculté de
distinguer les choses et d’en juger sainement.
Le premier mot de la définition et le dernier me semblent en
tous les cas particulièrement importants.
Le premier, tournure d’esprit … une tournure
d’esprit est un « habitus », une
façon habituelle et personnelle de voir,
d’apprécier, de juger tout ce qui se
présente à l’attention.
Il y a dans cette tournure d’esprit une première
nécessité du discernement.
En effet, la réalité est objective,
c'est-à-dire indépendante en soi du sujet qui
l’observe. Elle est, et elle est ce qu’elle est,
une donnée, à prendre comme telle.
Mais la vision qu’en a le sujet en revanche est subjective,
elle lui est propre : ce qu’il en
‘voit’ n’en est
qu’une vue partielle, et se trouve être en outre
une vue interprétée – il la voit
à sa manière. Il croit voir la
réalité parce qu’il reçoit
d’elle une information indiscutable, mais ce qu’il
voit en fait c’est l’idée
qu’il s’en fait.
Il résulte de cela que la tournure d’esprit dont
il est question, étant subjective, n’est pas
d’emblée juste parce qu’elle est
positive, même si l’on a des raisons de la trouver
plutôt bonne. Elle a besoin d’être
contrôlée.
Le second mot, valoriser … C’est ce mot qui
justifie la tournure d’esprit dont il est question : elle est
positive parce qu’elle valorise.
Valoriser, c’est mettre en valeur quelque chose, lui faire
porter son fruit.
C’est en principe le but de toute activité
– de l’étude, du travail, des relations,
de l’éducation, de l’enseignement etc. :
faire fructifier ce qu’il y a de bon en soi, ce
qu’il y a de bon chez autrui, tirer parti de la
bonté de la Création, saisir la chance ou la
grâce présente en toute situation.
Valoriser, dit autrement, c’est tirer parti de.
Beaucoup de verbes se rapportent à ce mot –
encourager, enseigner, éduquer, corriger,
développer, exercer, travailler, exploiter
… C’est fondamentalement voir en tout
une opportunité offerte, comme à la chasse un
gibier à tirer.
Et apparaît là une nouvelle
nécessité du discernement.
Car des questions se posent à ce propos : que valoriser ?
Comment, dans quelle mesure ? Et du reste qu’est-ce
exactement que le bien ou le bon prétendument
recherchés ?
‘Que valoriser’, ‘comment
valoriser’, ‘qu’est-ce que le
bien’ sont, dans leur rapport avec le discernement, de
grandes questions qui nécessiteraient un long
développement pour être traitées
correctement. Je suis obligé de me limiter. J’ai
choisi à cet effet de m’intéresser au
seul aspect des choses qui a trait à la valorisation de la
personne par elle-même, que l’on appelle
généralement dans les entreprises « le
développement personnel ». Je l’ai
retenu parce qu’il est très pratique,
qu’il intéresse tout le monde, qu’il
peut être en effet associé à de grands
succès, mais qu’il peut être aussi
source de confusion et occasion de sérieux échecs.
Le principe 1 de base en la matière, commun à tous
les ouvrages et à tous les stages qui en traitent, est que
dans la vie, derrière toute condition il y a une
croyance et que par conséquent, on peut changer la condition
en changeant la croyance. Ce principe n’est pas
donné comme un postulat mais comme une loi, une loi de
correspondance entre la pensée2 et le monde
extérieur de l’expérience sensible3 .
On note en passant, c’est important, que la
‘croyance’ n’est pas forcément
d’ordre religieux, bien qu’elle puisse
l’être en particulier, et qu’elle ait
même le plus grand intérêt à
l’être. Elle est de différents ordres.
Elle a trait par exemple à l’idée que
l’on se fait de soi-même. Ou à celle que
l’on se fait des autres. Ou encore à
l’idée que l’on se fait de la vie, de la
Société, des lois, de la morale etc.
Pour revenir au principe, on lit ceci sous la plume d’Emmet
Fox, un apôtre en la matière, qui explicite
très bien la proposition, dans le chapitre « Semez
et moissonnez » de l’un de ses ouvrages 4 :
« La chance n’existe pas. Rien n’arrive
au hasard. Tout ce qui survient de bon ou de mauvais dans votre vie est
le résultat d’une Loi immuable et
inéluctable. Et le seul exécuteur de cette loi
n’est autre que vous-même. Consciemment
ou inconsciemment, vous avez à un certain moment
créé tous les états
désirables ou non que vous connaissez, qu’il
s’agisse de votre santé physique, de vos relations
ou de votre situation actuelle. Vous, et vous seulement, avez
commandé cette marchandise qui maintenant vous est
livrée. Et, tant que vous continuerez à
entretenir des pensées erronées sur vous, sur les
autres et sur la vie, le même genre de difficultés
continuera à vous accabler. Car toute graine doit
inévitablement produire sa propre espèce, et la
pensée est la semence du destin.
« Il y a une issue très simple pour
échapper à vos ennuis. Apprenez à
penser correctement et les circonstances de votre vie commenceront
aussitôt à s’améliorer
jusqu’à ce que tôt ou tard, toute
maladie, toute misère et toute disharmonie ait disparu.
Telle est la Loi. »
S’il s’agit d’une
‘loi’, elle doit être
vérifiable.
Les maîtres en la matière professent que, puisque
tout est en germe dans le mental, si l’on veut corriger
quelque chose dans une situation ou orienter au mieux le cours des
événements, il faut s’ajuster
mentalement au bien à obtenir, par un travail sur soi
qu’ils appellent un « traitement ». Et
ils professent comme suite qu’après un certain
temps d’application du ‘traitement’,
parfois tout de suite, il se produit un effet manifestement en
correspondance avec lui, qu’ils appellent pour cette raison
une « démonstration ».
A chacun de le reconnaître ou de le vérifier.
Je ne saurais avec cet exposé mettre en cause une
‘loi’ qui ouvre à celui qui en prend
conscience un monde de possibilités, en étant
persuadé quant à moi et quelque peu adepte, ni
non plus en affaiblir la portée par le rapprochement que
j’en pourrais faire avec le
‘discernement’. Au contraire. La tenant pour
acquise, j’avance simplement que celui-là est
nécessaire à la bonne application de celle-ci,
comme la lumière l’est à
l’éclairement d’une voie dont on sait
qu’elle existe mais que l’on ne distingue pas.
En parlant de discernement, ce n’est donc pas la
‘loi’ que je mets en question, c’est la
croyance, pour cette raison que l’on peut tenir pour vrai
quelque chose qui ne l’est pas, à
l’inverse pour faux quelque chose qui ne l’est pas
davantage, et pour cette raison encore que l’attachement que
l’on porte à une croyance, si profond
qu’il puisse être, est toujours plus ou
moins relatif.
Je fais donc observer logiquement que la question de la
Vérité, avec un grand V parce qu’elle
intéresse tous les aspects de l’existence, est une
question-clé dans la vie de chacun et de tous.
Décisive. Pas du tout facultative.
La Vérité, c'est-à-dire la conformité de ce que
l’on pense avec ce qui est, et de ce que l’on vit
avec ce qui doit être, est dans l’absolu l’assise de l’existence.
Mais je fais observer aussi qu’elle n’est ainsi
pour chacun qu’une assise « potentielle
», dans la mesure où elle n’a jamais
dans sa vie que la place qu’il lui donne : on peut vivre sans
s’en soucier, entreprendre sans s’y
référer ou aller suivant des idées
fausses, c’est tout à fait courant.
En quelque matière que ce soit, la mentalité
positive ne peut porter le fruit attendu que si elle est assortie
d’une pensée juste, c'est-à-dire,
redisons-le, d’une vue des choses conforme à leur
réalité, non point à une
idée que l’on s’en fait et que souvent
on tient à s’en faire.
Pour revenir au ‘développement
personnel’, qui a trait à la conduite de sa vie,
et y voir clair dans la pratique, je voudrais maintenant faire deux
observations, et, celles-ci faites, avancer pour terminer une croyance
personnelle, dont vous apprécierez justement
vous-mêmes la solidité du fondement.
J’ai dit tout à l’heure qu’il
y avait une correspondance entre la pensée et le monde
extérieur de l’expérience sensible. A
quoi on peut objecter qu’il y a dans l’existence
des choses auxquelles on ne peut rien, et par ailleurs que personne ne
vit seul ni indépendant des autres, en sorte que ladite
correspondance semble n’avoir pas terrain où
s’appliquer et présenter les signes
d’une idée fausse.
On ne peut tout changer, en effet. Mais il convient de distinguer entre
ce qui dans la vie relève du donné, sur quoi on
ne peut rien, et ce qui y relève du contingent, en quoi on a
pouvoir.
Le donné, c’est pour chacun
l’être qu’il est, sa famille, son pays,
son temps, son éducation … ; c’est la
vie, continuellement changeante, telle qu’elle se
présente à lui à tout moment sans
qu’il le cherche ; c’est l’âge
et la santé qu’il a ; ce sont aussi les
expériences de vie qu’il a
déjà faites, si difficiles pour lui à
accepter parfois ; et c’est le fait incontournable
d’une solidarité de destin avec la
communauté humaine tout entière. Je ne
développe pas, mais on voit tout de suite que son
‘donné’ est pour chacun la matrice de
son destin.
On ne peut pas changer la matrice.
Le contingent est ce qui résulte du libre exercice de
l’intelligence et de la volonté. La
définition du mot le dit bien : qui peut se produire ou non,
qui dépend du sujet. C’est ce à quoi
chacun occupe son temps, les pensées qu’il
nourrit, les fins qu’il poursuit, les sentiments et les
relations qu’il entretient, la façon dont il vit
etc. Le contingent est le domaine de la vie, en quoi
s’engendre continuellement un donné nouveau, car
le donné et le contingent interfèrent sans cesse.
C’est dans le contingent que la mentalité positive
trouve à s’exercer utilement, de
manière décisive en fait, en réponse
à la question de fond :
« Les choses étant ce qu’elles sont,
à ma place qu’est-ce que j’en fais ?
»
Pour prendre une image empruntée au bridge : la
‘main’ dépend de la donne, le
‘jeu’ dépend du joueur, et des deux
résulte la partie. Il en est de même du
destin : la main y correspond au donné, le jeu au
contingent, le destin au résltat. La bonne attitude consiste
à épouser la donne (soi, sa situation),
à s’y incarner, à vouloir ce
qu’elle est .
C’était ma première observation. La
seconde a trait aux illusions que l’on se fait souvent en
matière de croyance. Il y a en effet les croyances que
l’on croit avoir et que l’on professe, et il y a
celles que l’on pratique : ce devrait être les
mêmes, mais ce n’est jamais que plus ou moins le
cas. On chante à la messe « Le Seigneur est mon
Berger », mais dans la vie ordinaire on n’en fait
qu’à sa tête. Et ainsi pour bien des
choses. Le degré de réalité de sa
croyance se mesure pour chacun à l’aune du
comportement qu’elle engendre chez lui dans
l’existence. Cette remarque est importante, parce que si
derrière toute situation il y a une croyance, si
l’on veut changer la situation, c’est la croyance
réelle qu’il faut changer, celle en fonction de
laquelle on agit ordinairement ou spontanément.
J’en arrive maintenant logiquement à la question
vitale : comment faire pour acquérir une pensée
juste ?
Car juste, la pensée de chacun ne l’est jamais que
plus ou moins. Et comme elle est bornée cette
pensée par l’ignorance, les
préjugés, les incompréhensions, les
ressentiments, les peurs, les blocages … l’orgueil
! Comme elle est puissante en regard la force de la
‘pensée’ collective, la langue des
Pouvoir en exercice, rassurante même si elle est fausse : qui
peut lui résister ? Et comme elle est courte la vie pour
acquérir l’Intelligence !
J’avance, et c’est là la croyance par
laquelle je termine, que l’essence de la pensée
juste n’est autre que ce que l’on appelle la
Sagesse, laquelle n’est inaccessible à personne si
ce n’est au travers d’une
Révélation.
Car comment en dehors d’Elle un mortel, ou un groupe de
mortels, pourrait-il prétendre avec fondement savoir ce qui
est vrai, ce qui est bon, ce qui est bien ?
Il faudrait développer … mais j’ai
déjà été assez long !
Je voudrais simplement conclure en laissant la parole au Livre des
Proverbes, qui traite du sujet bien mieux que je ne saurais le faire,
et qui en fait, si je lis bien, répond à la
question :
Mon fils, accueille mes paroles, garde précieusement mes
préceptes, rends ton oreille attentive à la
sagesse, incline ton cœur vers la
vérité.
Oui, si tu demandes le discernement, si tu appelles
l’intelligence,
si tu la recherches comme l’argent, si tu creuses comme un
chercheur de trésor,
alors tu comprendras la crainte du Seigneur, tu découvriras
la connaissance de Dieu.
Car c’est le Seigneur qui donne la sagesse, le savoir et
l’intelligence sortent de sa bouche.
Il tient en réserve son secours pour les hommes droits, il
est un bouclier pour ceux qui suivent la bonne route.
Il protège les sentiers de la justice, il veille sur le
chemin de ses amis.
Alors tu comprendras la justice,
l’équité, la droiture : les seuls
sentiers qui mènent au bonheur.
Un texte qu’il faudrait mâcher et
remâcher … savoir par cœur !
« Mon fils … »
____________
NOTES
1 La ‘condition’ a un
aspect intérieur au sujet, qui est son attitude, son comportement, son
état d’être dans l’existence, et un aspect extérieur, qui est le monde
tel qu’il se manifeste à lui dans l’expérience personnelle qu’il en a
continuellement
2 La ‘pensée’ va un peu plus loin
que la croyance. C’est plutôt le monde intérieur de la personne, avec
ses croyances, certes, mais aussi ses sentiments, ses inclinations, ses
attachements, ses choix, …
3
A noter que ce principe ne s’applique pas qu’aux personnes. Il est tout
aussi efficient pour les groupes humains, les sociétés diverses et
naturellement les nations, dont il préside au destin.
4 « Le pouvoir par la pensée constructive ».