
(Echanges. Contribution Claude M. Janvier 2008)
La
réunification de l'Allemagne
1
– Le cheminement vers la réunification
Après la guerre, le partage de l’Allemagne en 2
états n’était pas
prévu. Elle a résulté de la
dégradation des relations entre les Alliés qui a
culminé en 1948 par le blocus de Berlin et le pont
aérien.
En mai 1949, a été
créé la République
Fédérale d’Allemagne et en octobre la
République Démocratique allemande.
Pour enrayer le flux croissant d’émigration de
l’Est vers l’Ouest, les Russes ont construit, en
août 1961, le Mur de Berlin. Les deux Allemagne (s
?) ont signé, en 1972, un traité de
reconnaissance mutuelle d’acceptation des
frontières et ce n’est qu’en 1980 que
l’on reparle de réunification… mais
avec socialisation de l’Ouest pour la RDA, la RFA
n’envisageant que l’absorption de la RDA.
En 1984, le Chancelier Helmut Kohl « reconnaît
l’aspiration à l’unité
» faisant suite à la déclaration des
puissances occidentales de 1980, affirmant que leur objectif
était celui d’une Allemagne
réunifiée.
Le 1er décembre 1988, dans son discours sur
l’état de la Nation, H. Kohl déclare
que chaque Etat a le droit de choisir son système politique
et économique, que les habitants de la RDA cherchent leur
liberté et que l’unification s’impose,
en respectant les frontières à l’Est et
en garantissant le sort des Allemands de Silésie et de Saxe
ainsi séparés de l’Allemagne.
Toute son argumentation est politique et il conclut que ce sera dur,
qu’il faut que tous collaborent… et il ajoutera
plus tard que les contribuables de l’Ouest n’en
souffriront pas (ce qui a été
oublié…).
Il ajoute que la liberté de Berlin, son
intégration à l’Allemagne, sera un test
de la volonté de la RDA et de la Russie de
négocier…
« Les jours du Mur de Berlin sont
comptés »
Le 13 juin 1989, MM. Gorbatchev et Kohl font une déclaration
commune de non recours à la force, de collaboration
renforcée, de reconnaissance des droits des
peuples…
Cela « préparait » la chute du Mur en
novembre 1989, mais pas encore la réunification, car H. Khol
continuait à privilégier la coexistence des 2
états, avec une forte aide de la RFA pour aider
l’Est à rattraper son retard.
Puis intervint le « tournant ». En
décembre 1989, à Dresde, H. Khol
déclare que « l’union de la nation
» était son objectif. La
déconfiture de l’économie, la
corruption, l’inefficacité conduisent à
des élections, en mars 1990 qui donnèrent une
majorité écrasante à la CDU.
Tout était prêt pour la réunification
qui fut proclamée en octobre 1990.
2 – Le choc de
la réunification
L’Allemagne a été divisée de
facto de 1945 à 1990, soit plus d’une
génération.
Le système économique soviétique avait
totalement démotivé les hommes dont la
productivité était très
inférieure à celle des travailleurs de
l’Ouest. Les équipements collectifs, mais aussi
les usines, étaient vétustes donc peu
efficaces. La dette de la RDA était abyssale et sa
production industrielle, dans le cadre du COMECOM, ne
concernait que certains équipements et biens,
souvent inutilisables en dehors des échanges avec les autres
membres du COMECOM.
Tout le monde a en mémoire ces usines d’Air
Liquide, de Ciments… fonctionnant avec
2000 ouvriers alors qu’à l’Ouest on en
aurait mis 200.
Ces sureffectifs justifiaient des salaires bas, de petites retraites,
le tout dans un système de prix bas, sans
échanges avec l’économie de
marché.
La décision politique de faire la réunification,
l’ouverture à l’économie de
marché, la parité du DM de l’Est et de
l’Ouest ont entrainé la faillite
immédiate de l’économie et le
chômage a bondi.
Il n’y avait alors pas d’autre solution que
d’augmenter rapidement et massivement les salaires et les
retraites, pour éviter que toute la population parte
à l’Ouest.
Mais ces augmentations ont été faites
à un rythme infiniment plus rapide que les
progrès de productivité et les entreprises
n’étaient plus capables de soutenir la concurrence
(à la différence de la Tchéquie, la
Pologne …).
Les taux de chômage à l’Est ont vite
dépassé 25 % et l’exode vers
l’Ouest s’est amplifié.
Le rattachement a été vécu par les
habitants de l’Est, les Ossies, comme une colonisation, une
annexion, et les Allemands de l’Ouest se sont
montrés arrogants…
La police politique, la Stasi, a perdu son statut mais ses membres
existaient et étaient partout, d’où
suspicions et craintes d’être interrogés
sur le passé… La chasse aux sorcières
a sévi.
3 – Peut-on
parler d’échec ou de réussite
La RFA a choisi d’aider en investissant massivement dans les
infrastructures, en accordant des aides aux investissements de
modernisation pour favoriser un alignement technologique sur
l’Ouest. De leur coté, les salaires ont
monté sous la :pression des gens qui ne pouvaient
s’offrir ce que les Allemands de l’Ouest
consommaient.
L’augmentation très forte des salaires en 1990 a
entraîné une forte croissance (> 5 %) de
l’économie allemande en 1991 et 1992, mais ensuite
la croissance s’est très fortement
ralentie. Le poids du chômage et des 80 milliards
transférés chaque année à
l’Est a ralenti la progression de
l’Allemagne. Le chômage global est
passé de 5,6 % en 1991 à 10 % en 1997
… Il demeure fort actuellement et atteint 18,7 %
à l’Est.
Certains sont très pessimistes en constatant que la
croissance est restée en dessous de 2 % en moyenne depuis la
réunification, que l’Est n’est plus
compétitif et que les industriels se
décentralisent en Pologne ou en République
Tchèque où les salaires sont trois fois moins
élevés. Malgré la formidable
aide reçue (les subventions par habitant sont les plus
élevées d’Europe), les Allemands de
l’Est ne sont pas heureux, ils jalousent les Wessis et vont
les rejoindre (1,5 MM en 10 ans, 54 % des jeunes de 18 à 30
ans).
Des erreurs psychologiques (les Wessis ne connaissent pas
l’Allemagne de l’Est) et juridiques
(récupération des biens confisqués
plutôt qu’indemnisation, ce qui gèle des
quartiers entiers qui ont été
confisqués plusieurs fois…) freinent la
remise à niveau… et on a parlé
d’échec de la réunification.
D’autres estiment que la réunification est en
cours et qu’il faut 40 ans pour la réussir.
91 % des Allemands de l’Est et 82 % de ceux de
l’Ouest estiment que la situation de l’Allemagne
est meilleure maintenant qu’avant la réunification.
Le parti du socialisme démocratique, héritier du
parti communiste, ne représente plus que
5 % de la population allemande (et n’existe
qu’à l’Est) et pour la
première fois depuis la réunification, le budget
public (Etat + collectivités +
sécurité sociale) de l’Allemagne a
été en excédent au 1er semestre 2007
(0,1 %) et ‘Allemagne demeure le premier exportateur mondial.
Ceux qui comparent l’Allemagne de l’Est
à la Réunion ou aux Antilles, ont
peut-être tort ???