
(Echanges. Contribution Mona R.. Septembre 2007)
Vivre la
différence
VIVRE LA DIFFERENCE
Mon sujet au départ était "Vivre la
différence - la différence identitaire"... puis
je me laissée un peu aller au gré de mes
réflexions... réflexions qui m'ont
menée à "l'universalité" voir aux
portes du "mondialisme".
Je n'ai pas la prétention de traiter de tous ces
sujets. Je vous ferais part de quelques analyses
intéressantes que j'ai trouvé et vous poserais
les questions qui se sont imposées et auxquelles
nous répondrons
ensemble.
°
Parler seulement de la "différence identitaire"?
Qu'aurais-je dit que vous ne sachiez déjà?
...Je vous aurais encore une fois parlé de ma petite enfance
qui a pour toile de fond le pays de mes aïeux, une
montagne pelée qui prend le rose du couchant ou le petit
port qui scintille de lumière au petit matin...
...J'aurais évoqué mes vieux qui m'ont appris les
plus beaux vers de la langue de Musset et de Voltaire et qui m'ont
conté l'histoire de ces héros venus de France
pour sauver les Chrétiens ...
...Je vous aurais dit comment mes ancêtres que je croyais
Phéniciens, sont devenus Gaulois sur les bancs de
l'école....et plus tard, à
l'université, comment j'apprenais que la justice de mon pays
était rendue selon les lois du code Napoléon
ou la jurisprudence des tribunaux de Paris,, Marseille ou
Clermont-Ferrand...
Ceci pour dire que, comme toute ma génération ,
je baignais dans une double culture conjuguant une identité
aux facettes complémentaires et riche de
savoirs...J'aimais mon pays comme il se présentait: ardent
et nostalgique, multiple et compliqué, chaleureux et
hospitalier...exiguë mais ouvert sur la mer...la mer... et le
regard se laissait porter au loin, à
l'autre bout de la Méditerranée, "au
delà du monde connu"...le rêve l'emportait alors
sur la réalité et les avenues
Clémenceau, Huvelin et Foch, qui commençaient
dans le centre ville de Beyrouth, se terminaient fatalement
quelque part en France..
Oui en France et pour moi à Paris.
J'ai épousé Pierre en 1964 et avec lui la
Nationalité Française dont je pensais
déjà en porter
l'identité. Mais arrivée en France tout restait
encore à faire...
Le regard des autres
Les questions
Les interrogations
que je rencontrais, me renvoyaient chez moi!!
J'étais différente
J'étais un migrante.
Le "Connais-toi toi-même de Socrate prend tout son sens
et s'impose dans de pareils moments!
(... moi qui débarquait "bardée de
références!!" il m'est arrivée, autour
d'une table de bridge, de ravaler mes origines en entendant
des réflexions peu aimables sur des
compatriotes mal tolérés...
plus près encore, je pense souvent à
cette bonne amie bridgeuse et que j'ai perdu de vue
après de longues années de
fréquentation, parce que son mari était
effrayé par mes origines, ...
dernièrement mais de façon plus
sympathique "moi qui venait des colonies" j'étais
mandée dans un supermarché par "une voisine" pour
expliquer à un petit groupe de dames, la mangue - fruit
exotique comme moi - ses tenants et ses aboutissants!!!) ...
COMMENT REAGIT UN MIGRANT?
Deux attitudes se présentent et qui peuvent engendrer des
réactions inverses :
1) La première négative: attitude de fermeture et
de repli sur soi
Il est vrai que le premier réflexe du migrant ce n'est pas
d'afficher sa différence mais de passer inaperçu.
Son rêve secret c'est qu'on le prenne pour un enfant du pays.
Mais souvent c'est difficile: accent, faciès, consonance du
nom... alors quelquefois per fierté ou bravade il va
accentuer cette différence. Certains migrants vont aller
encore plus loin et leur frustration risque de déboucher sur
la contestation brutale voire la violence qui provoque : INQUIETUDE et
PEUR
Inquiétude et peur du migrant lui-même en
situation illégale, coupé de ses racines et
pratiquant la fuite en avant
Inquiétude et peur de l'autochtone qui se voit envahi par
l'inconnu matériellement et culturellement . Par
l'étranger qui vient bousculer un ordre établi de
père en fils gagné durement quelquefois...
2) La seconde positive :basée sur le respect
mutuel car chaque personne est unique en dehors de
toute considération de race de religion et
d'appartenance.
Dans ce cas la différence devient un atout et une occasion
d'ouverture, un moteur de progrès et d'enrichissement :
--en générant la curiosité et l'envie
de comprendre l'autre et de ce fait de la rassurer.
--en développant la communication et la
réciprocité: donner et recevoir, dire et
écouter.
-- en créant l'HARMONIE.
° ° °
Revenons un instant sur la différence entre
Identité et Nationalité
Si on me demande aujourd'hui qu'elle est mon identité ? que
répondre?
- Etrangère pendant 20 et quelques années
- Française le double de ce temps
donc 1/3 -2 1/3 ?
Non, une distinction s'impose.
La nationalité est inscrite dans les registres officiels et
suppose une adhésion totale, des devoirs, un engagement de
l'amour envers le pays choisi.
L'identité c'est plus complexe : elle est le reflet de tous
les éléments qui la façonnent et selon
un dosage propre à chacun. Ces
éléments ne se limitent pas à ceux qui
figurent sur les registres, il faut y ajouter une appartenance
à un groupe ethnique , à une religion, une ou
plusieurs langues parlées, des traditions, une famille , un
milieu social etc.
Ainsi chacun de nous serait dépositaire de deux
héritages
" l'un -Vertical- qui vient de ses ancêtres, des traditions
de son peuple, de sa religion..
" l'autre -Horizontal- qui vient de son époque de ses
contemporains du milieu dans lequel il évolue."
selon les pays ou les sociétés dans lesquelles on
vit l'un ou l'autre de ces héritages sera plus
prédominant. Pays latins ou anglo-saxons, pays
développés ou sous
développés etc.
L'historien Marc Bloch a dit: "Les Hommes sont plus les fils de leurs
temps que de leurs pères"
On est peut être en train d'assister aujourd'hui
à une transformation de ce que nous somme
réellement et de ce que nous devenons sous l'effet
d'une universalité de plus en plus grandissante.
La question qui s'impose : une appartenance planétaire
serait-elle l'aboutissement naturel de l'histoire de
l'humanité?
L'historien britannique E.TOYNBEE expliquait dans un texte
publié en 1973 que le parcours de l'humanité
s'est effectué en trois étapes:
<< 1.- la préhistoire: les communications sont
lentes et les progrès de la connaissance encore plus lents;
si bien que toute nouveauté avait le temps de se propager
à travers le monde avant qu'une autre nouveauté
n'intervienne. Ainsi les sociétés humaines
avaient le même degré
d'évolution et de caractéristiques.
2.- au cours de la 2ème
période le développement des connaissances se fit
bien plus rapide que leur propagation, si bien que les
sociétés humaines devinrent de plus en plus
différenciées. Cela dura des
millénaires que nous appelons l'Histoire.
3.-puis tout récemment la
3ème période a commencé, la
nôtre. Les connaissances progressent vite mais la propagation
des connaissances va encore plus vite si bien, que les
sociétés humaines vont se retrouver de moins en
moins différenciées. >>
....il est évident que ce brassage universel d'images et
d'idées qui ne cesse de s'intensifier et que personne ne
semble pouvoir maîtriser, transformera
profondément nos connaissances , nos perceptions et nos
comportement....Jamais les hommes n'ont eu autant de choses en commun...
En extrapolant a partir de l'hypothèse de Toynbee, A Maalouf
(Identités Meurtrières) se pose cette question :
"Tout ce que les sociétés ont forgé au
cours des siècles pour marquer leurs différences
et tracer leurs frontières va être soumis
à des pressions visant à réduire ces
différences. La réponse à ce manque ne
serait-il pas le refuge dans le spirituel et le religieux?"
Pour terminer ce modeste tour d'horizon qui nous a
amené de la différence à
l'universalité, voire à la mondialisation, je
voudrais citer un texte de Paul Valéry ,
extrait de l'avant propos de "Regards sur le monde actuel" datant de
1931. C'était une première tentative pour cerner
la mondialisation sans que le mot lui-même n'apparaisse dans
le texte...
<< Toute la terre habitable a été
de nos jours reconnue, relevée, partagée, entre
des nations! L'ère des terrains vagues, des territoires
libres, des lieux qui ne sont à personne , donc
l'ère de libre expansion est close... Le temps du monde fini
commence. Le recensement général des ressources,
la statistique de la main d'oeuvre, le développement des
organes de relation se poursuivent. Quoi de plus remarquable et de plus
important que cet inventaire, cette distribution et cet
enchaînement des parties du globe? Leurs effets sont
déjà immenses. Une solidarité toute
nouvelle , excessive et instantanée, entre les
régions et les événements est la
conséquence déjà très
sensible de ce grand fait...Les habitudes , les ambitions, les
affections , contractées au cours de l'histoire
antérieure ne cessent point d'exister, mais - insensiblement
transportées dans un milieu de structure très
différent - elles y perdent leur sens et deviennent causes
d'efforts infructueux et d'erreurs. >>