DU
MOULIN DE RIVES AUX MOULINS DU PONT DU CANAL
Notre département, balayé par deux vents dominants l'Autan (ou le marin comme on l’appelle chez nous) et le Cers est un territoire idéal pour l’implantation de moulins à vent.
Apparus
très tôt dans
l’Aude et en grand nombre (En 1845, ils
étaient 610) la plupart ont
disparus du paysage, à l’exception du Lauragais
où un gros travail de
restauration a été effectué depuis
plusieurs dizaines d’années et où
l’on peut
voir encore tourner les ailes des moulins.
Le
meunier avait un
rôle central dans la vie de la communauté car sans
lui pas de farine et donc
pas de pain, aliment de base de la communauté.
Le travail de meunier nécessite une bonne condition physique, les sacs sont lourds, le métier difficile, d’autant plus redoutable pour les femmes lorsqu’elles se retrouvent veuves. Le meunier peut être exposé à la silicose, en raison des poussières qui se dégagent des meules
De plus, le meunier devait posséder des compétences diverses et variées et définir chacun des paramètres de son travail : dans un souci de perfection, il choisissait son grain, son mélange, le type de meule et la mouture ; comme un marin, savoir à quel moment augmenter et diminuer ses voiles, exécuter les menues réparations, repiquer ses meules lavées et brossées, en raviver la surface afin d'entretenir leur abrasivité et les régler selon le type de céréale qu’il moud.
Une cloche (sonnant à chaque tour) permettait au meunier d'évaluer la vitesse de son moulin. Trop vite, il y avait des risques d'explosion dus aux particules de farine, de poussières et autres en suspension dans l'air et au fait que les meules contenant du silex pouvaient engendrer des étincelles. La trémie ne devait jamais être vide sous peine d’un étouffement des meules et créer un incendie)
Un des buts du meunier était de ne livrer que la farine bien blanche et donc d'enlever la repasse, qui pourtant donne le bon goût de froment, et le son qui, tout naturellement, étaient dévolus aux bêtes. On préfère le pain blanc, considéré comme le pain des riches.
Le 13 mai 1738 un arrêt du Conseil d’Etat prononce le recreusement du ruisseau de Fresquel et mande les sieurs la Boltière, directeur des fortifications et de Clapiez directeur des travaux publics pour étudier la cause des inondations du Fresquel et d’en dresser les devis de travaux nécessaires pour les prévenir.
Dans ses développements cet arrêt précise que la première cause de ces débordements semble être la présence de 8 moulins sur le Fresquel « dont les chaussées ou épanchoirs se trouvent plus élevés et moins profonds qu’ils ne doivent être suivant les règlements, font perdre la pente des eaux et les font refluer dans les plaines ».
Parmi ces 8 moulins, se trouvait
« le Moulin de
Rives » situé sur le territoire de la
commune de « Voisins »
actuelle commune de Pezens, sur la route reliant
Villesèquelande à cette
commune. Afin d’éviter la démolition
pure et simple du moulin, sur la requête
du Marquis d’Alzau, le sieur Cazal, ingénieur,
demanda la réalisation de
plusieurs travaux, conditions essentielles pour la conservation du
moulin : « pratiquer un
réservoir ou épanchoir entre le grand
chemin et le Moulin de Voisins en un endroit où le terrain
se trouve plus vas,
le couronnement duquel épanchoir serait au niveau de la
chaussée du moulin
laquelle n’a que
Ces travaux ont-ils
été faits ? ont-ils
été
insuffisants pour éviter les inondations
suivantes ? En tout état de
cause, le Conseil d’Etat le 21 juin 1781 autorise la
destruction du moulin.
Dans son arrêt du 7 février 1782 le Conseil
d’Etat « fixe à
Mahul nous informe que le propriétaire du moulin s’appelle Germain Gélis et habite Villesèque-Lande. Je me suis donc lancé dans des recherches généalogiques et dans la consultation du recensement de la population.
Dans les registres
paroissiaux j’ai pu remonter au baptême
donné par le curé de de
Villesèque-Lande à Pierre Gélis
où il est écrit que son
père Germain était meunier au moulin de
Pérynade, lieu-dit Voisins.
Pierre deviendra meunier
à son tour. La famille continue
d’habiter à Villesèque où la
descendance peut se retrouver sur les registres
d’état civil.
De son union avec Marianne
ABAR, Pierre va avoir 9
enfants, beaucoup décèderont en bas âge
comme cela se produisait
malheureusement à cette époque-là.
Parmi cette descendance un garçon deviendra
boulanger à Lavalette, un autre s’engagera au
régiment royal étranger auprès du
Marquis d’Alzau.
Jean-Pierre Gélis
nait le 17 mars 1743, il n’est pas
l’aîné des garçons de Pierre
et Marianne mais il sera meunier comme son père et
son grand-père. Il épouse en 1775 Antoinette
Gauget de Villesèquelande et fonde
une grande famille de 10 enfants qui iront fonder un foyer à
Caux, à Lavalette
à Moussoulens, à Cailhavel…..
On sait que le moulin de Rives ou de Pérynade (selon le terme employé) est démoli entre juin 1781 où la décision est prise et février 1782 où le versement du solde du prix est voté.
La consultation des cartes de Cassini publiées vers 1778 ne montre aucune présence sur le territoire de Villesèque-Lande (c’est ainsi que s’écrivait le nom du village anciennement) d’aucun moulin.
Mahul, lui-même dans son cartulaire ne mentionne pas une telle construction sur la commune comme il a pu le faire pour d’autres lorsqu’il y avait un moulin sur son territoire.
Je pense que l’indemnité perçue pour la destruction du Moulin de Rives a servi à la construction des deux moulins de Villesèquelande, à un endroit stratégique (au bord du Canal Royal) où le commerce florissant sur la voie d’eau facilitait transport et commerce.
Une carte d’Etat Major
datée de 1820 indique près du Pont du
Canal à Villesèque-Lande
« Mins à vent ». Mon
hypothèse peut être
confirmée par ailleurs par la consultation du registre des
personnes recensées
sur le village en 1836 qui précise la présence de
Pierre-Jacques Gélis, meunier,
de sa femme Anne Catuffe de Corneille et leur trois enfants,
François 24 ans,
Bernard tous deux également meuniers, et Antoinette 20 ans.
S’ensuit, selon la
tradition, la transmission de la
charge du moulin à l’aîné,
François qui épouse une autre
Villeséquoise, Claire
Amiel avec laquelle il aura 4 enfants.
François mourra
à 40 ans et Claire devenue veuve à 36 ans
prend en charge le moulin, ses 6
enfants, (son aîné,
Pierre-Jacques n’a que 13 ans, le petit dernier, Jean a 4
ans).
Pierre-Jacques
prendra la relève, fondera une famille
avec Marianne Gleizes de Villepinte et ils seront les derniers meuniers
connus
lors du dernier recensement de la population de
Villesèquelande en 1906.
Les deux moulins de Villesèquelande sont des « moulins-tours », ils ont perdu leurs ailes depuis longtemps. On peut distinguer la porte d’accès (face nord) qui se trouve en principe du côté opposé à la direction des vents dominants (est et ouest) afin de ne pas être gênée par la rotation des ailes.
Traditionnellement, les ailes
d’un moulin tournent à gauche
(en regardant de face), c’est-à-dire dans le sens
inverse des aiguilles d’une
montre. Grâce à la force exercée par le
vent, ses quatre grandes ailes
entoilées, entraînent l'arbre moteur et le grand
rouet qui sont solidaires et donnent
le mouvement à un engrenage qui, par
l'intermédiaire d'un axe de métal,
actionne une rotation qui est communiquée à la
meule supérieure. Cette
dernière, mobile dans le sens de la hauteur, permettait au
meunier de régler la
mouture des céréales, en se rapprochant de la
meule fixe disposée au-dessous,
Pendant
des siècles le
meunier est resté l’un des piliers de la
communauté rurale mais avec
l’apparition du progrès technique et la
modernisation des moyens de production,
de grandes minoteries vont se créer provoquant une trop
forte concurrence pour
le meunier qui perd petit à petit sa clientèle et
subit une forte baisse de
revenus.
Les ailes
sont
démontées, les tours servent
d’entrepôt pour le meunier qui s’est
reconverti
dans l’agriculture et la viticulture car petit à
petit, le terroir de
Villesèque a vu disparaître les champs
d’orge, de maïs, de colza, de blé au
profit de la vigne.
Les deux
moulins sont
inclus dans une propriété privée mais
lorsque ayant suivi l’avenue Paul Riquet
(la bien nommée) on accède aux bords
du Canal du Midi, et au lavoir
municipal, les deux tours rondes sont là,
dressées fièrement pour témoigner du
passé de notre village et des métiers
aujourd’hui presque disparus.
Carte de Cassini
(1756-1815) Le Moulin de Rives est
positionné sur le Fresquel Pas de moulins au Pont
de Villesèque-Lande |
Carte
d’Etat Major
1820/1866 (sur le Fresquel : Moulin ruiné) et (au bord du pont du Canal : Mins à vent) Le Moulin de
Rives se
situait près de la Métairie Saint-Antoine, |
Les deux tours-moulins aujourd’hui |
o o o
Les GELIS une dynastie de meuniers (voir note[1])
Germain GELIS ca 1630- & ca 1649 Marguerite
AMIGUES ca 1630-1702
Jean
GELIS 1650-1710 & 1679 Marie
GUILHEM 1663-1730
Germain
GELIS 1680-1742 &1702 Jeanne RESSEGUIER 1682-1730
Pierre GELIS 1708-1752 &1732 Marianne ABAR
ca 1710-1775
.o Jean GELIS ca 1737- &
1763 Marie GUILHEM ca 1730-.
o
Jean-Pierre GELIS 1743-1792
& 1775 Antoinette GAUGET 1751-
Pierre-Jacques GELIS 1783-1860 & 1809 Anne CATUFE 1782-
François GELIS 1812-1852
& 1839 Claire Marie AMIEL 1816-1878
Pierre-Jacques GELIS 1839-1907 & 1863 Marianne GLEIZES 1837-1919
[1] Recherches de Mme Colette DENAT, basée sur les relevés de Georges Henri GELIS, numérisés et vérifiés par Pierre JM BEC.