Extrait de la confession d'Arnaud Gélis

Registre de l'inquisiteur Jacques Fournier

1320

" ... j’avais été le familier et le domestique de Hugues de Durfort, le chanoine de Pamiers. Il mourut il y a huit ou neuf ans. Cinq jours après, je dormais une nuit dans mon lit, chez moi au Mas St-Antonin ; je fus réveillé, et je vis un chanoine en surplis, le capuchon sur la tête, à la lueur du feu qui était répandu sur le foyer (...).
J’eus peur, et je lui demandai qui il était et pourquoi il était entré. Il mé répondit qu’il était Hugues de Durfort. Je lui dis qu’il était mort. Et je lui demandai aussi de ne pas me toucher, et puis de s’en aller. Il me dit, lui, de ne pas avoir peur de lui, parce qu’il ne me ferait pas de mal, mais d’aller le trouver le lendemain dans le cloître St-Antonin, parce qu’il voulait me parler. Je lui dis que je ne savais pas où le trouver, puisqu’il était mort. Il répondit que je le trouverais dans le cloître, et s’en alla.
Le lendemain, je vins au cloître, et trouvai ce mort, Hugues, qui se tenait appuyé à la porte du chapitre, à la tête de sa tombe ; (...) il était de la même forme et apparence que de son vivant, à ce qu’il me sembla. Je lui dis que Dieu lui donnerait le paradis ; il me répondit qu’il pensait y être dans peu de temps.
Puis il me dit de dire à Brunissende, sa sœur, de faire célébrer deux ou trois messes pour son âme, et qu’ainsi il irait au repos. Et tout de suite après, comme je me retirais, il disparut (...).
Ladite Brunissende fit célébrer (...) les messes. Par la suite, avant que ces messes fussent dites, je me trouvais souvent dans le cloître, et j’y vis deux ou trois fois cet Hugues qui me demandait si j’avais parlé à sa sœur, et je lui répondis que oui. Quand les messes furent dites, je ne le revis plus jamais.

Je lui demandai comment il allait, et il me dit : " Assez bien maintenant, mais j’ai connu un mauvais endroit, et je suis passé par le feu du Purgatoire, qui était âpre et mauvais. Mais je n’ai fait qu’y passer ". Il ajouta qu’il prierait pour moi. Et il disparut.