VERS UNE NOUVELLE SPIRITUALITE
Gilles Cosson ;  Editions de Paris 2003


NOTES DE LECTURE


Cet essai comprend trois parties :
- Origines historiques et caractéristiques de la situation inquiétante d’aujourd’hui
-Modifications prévisibles de notre environnement
- Esquisse de pistes pour une  nécessaire refondation spirituelle

Partie I     La situation inquiétante d’aujourd’hui


Pour affronter les épreuves de la vie…et de la mort, les êtres humains ont besoin de certitudes.
Le bonheur qu’apporte à l’homme la certitude est intense…. et le rend capable d’abnégation et parfois d’héroïsme.

Citation d’Octavio Paz << absolutisme et totalité sont les deux faces d’une même réalité psychique>>

L’esprit fort n’existe pas. « Ni Dieu ni maître » ne répond pas aux aspirations de la plupart. Le besoin de croire est universel et il paraît respectable.

L’auteur voit trois composantes au ciment des sociétés humaines du passé : prospérité, distraction, foi

Au moins les deux dernières sont indispensables.
Distraction : jeux (du cirque, carnaval, loterie …), sexe, ennemi extérieur, sports ….
Foi militante (religieuse ou laïque).

Citation de Spinoza << le grand secret du régime monarchique – et son intérêt majeur – est de tromper les hommes et de colorer du nom de religion la crainte qui doit les maîtriser afin qu’ils combattent pour leurs servitudes comme s’il s’agissait de leur salut >>

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L’austérité des mœurs… au moins affichée … contribue à l’esprit d’économie … et au haut niveau d’épargne nécessaire au développement de l’administration … et à l’entretien des armées.

Le  culte des vertus viriles … c’est à dire inculquer qu’il vaut mieux mourir pour une cause (religieuse ou militaire) qu’accumuler des richesses dans ce monde… il est plus gratifiant de mourir pour des idées que pour de l’argent. Sans doute une façon de nier nos propres faiblesses.

L’homogénéité de langue est un facteur utile… celui qui veut progresser dans la hiérarchie doit s’inféoder au modèle dominant.

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Le nationalisme est une version dégradée du sentiment religieux. Exemple les délires idéologiques du XXème siècle entre les deux guerres : communisme et nazisme.

La situation actuelle balance entre l’intégrisme et le vide. La prospérité conduit au matérialisme et à l’abaissement des croyances religieuses et du patriotisme. Un ventre plein et en bonne santé est moins enclin qu’un ventre vide à se tourner vers les consolations de la foi .

L’Europe est devenu un continent idéologiquement vide.

Pages 34 à 42 … digression sur l’Islam
Emergence du fanatisme armé. Confrontations majeures en perspective.



Partie II     Modifications prévisibles de notre environnement


La recherche de l’unité est le plus terrible piège tendu à l’humanité dans la recherche du sens, car elle porte en soi la condamnation à mort de ce qui n’est pas conforme.

Paradoxe : une civilisation ne peut vivre longtemps sans référence fédératrice d’aucune sorte. A défaut de références spirituelles l’humanité risque de sombrer dans une autre tyrannie, celle du « marché » …pourvoyeuse de biens … organisatrice de la médiocrité.
Citation de Tocqueville <<… des hommes semblables et  égaux … avec de petits et vulgaires plaisirs … chacun … comme étranger à la destinée des autres : ses enfants et ses amis forment pour lui toute l’espèce humaine…>>

Pages 55 à 57 … digression sur la finitude de la terre et la nouvelle frontière des explorations spatiales     

Les religions du passé sont elles capables de relever les défis de notre époque ?
Inexorable dérive de toutes les religions dès lors qu’elles tombent dans l’héritage humain.
La réforme est elle réaliste ? elle se heurte au corporatisme des clergés et à la crainte de dissolution de la communauté des croyants en concurrence avec les autres religions.

La tolérance est elle une voie en soi ?
C’est une absence de logique par rapport à sa propre foi
En fait elle ne peut être qu’une bénignité à l’égard d’un plus faible… en pratique un cadeau que les nantis font aux pauvres…. Les intellectuels aux illettrés…

Le syncrétisme entre les diverses religions est il une voie ?
Non car on tend vers le plus petit commun multiple et l’affadissement.


Partie III     Pistes pour un nouvelle spiritualité


Reconnaître que l’univers humain est fait de contradictions. Double visage de notre être : le mal ets partie intégrante de l’homme… le mal est le propre de l’homme.
Mais aussi le monde est d’une prodigieuse beauté : paysage, fleurs, enfants…
La perception du bien serait elle concevable sans l’existence du mal ?

Citation d’Héraclite << le divin s’il existe est l’union des contraires >>
Citation des Upanishads << … toute existence implique la multiplicité >>

L’acceptation de la contradiction doit jouer un rôle fondateur dans la démarche spirituelle de l’humanité.
Elle a fait ses preuves dans le domaine scientifique, car elle enrichit l’esprit d’initiative et la créativité. La marche est un déséquilibre soigneusement contrôlé. Là où règne le dogme, la paralysie guette.

La compassion devant la souffrance et la mort est elle une réponse suffisante ?
Ecartons la voie de la transcendance… rejet de tout Créateur… mais tendre vers une certaine forme d’exigence spirituelle... une Morale.
La démarche rationnelle la moins contestable consiste à rechercher dans nos actes ce qui élève par opposition à ce qui abaisse, ce qui affranchit plutôt que ce qui opprime, ce qui valorise plutôt que ce qui dégrade.

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Splendeur de la connaissance
    Acharnement à accroître la compréhension du monde
Poursuite de la beauté
    Elever celui qui s’y adonne sans nuire à ceux qui l’entourent
Lutte contre la souffrance
    Remarquer que la souffrance fonde par antithèse l’idée même du bonheur. Les horreurs de la guerre entraînent le regret de la paix.
Acceptation de l’échec
Comme la mort, la cruauté et l’injustice sont au bout du chemin quels que soient nos efforts.
La lutte contre la souffrance et la mort est un devoir, mais l’échec n’est pas un naufrage. Accepter notre condition avec sa grandeur et ses misères.
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Il faudrait ne pas mélanger Morale et Transcendance.
Asseoir la morale sur la religion conduit aux pires excès (leçons de l’histoire), or c’est un travers commun à toutes les religions.
La solidarité à l’échelon national ou international est une obligation nécessaire à la cohésion du monde. L’altruisme intelligent n’est pas identique à la générosité du cœur.

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Mais l’humanité dans son immense majorité ne saurait se suffire d’une morale. Elle veut un rapport clair à la transcendance. L’absence de Dieu est insoutenable, l’homme nu se tourne vers l’invisible pour crier sa détresse.

La quête de l’Etre Suprême ne fait elle pas descendre Dieu vers nous, en tentant de nous élever à Lui ?
La transcendance est ici et partout, hier et demain… le divin, éternel et incarné, immuable et changeant, réside en nous comme nous sommes en lui.

Tous les prophètes ont perçu l’homme comme une partie du monde aussi nécessaire à Dieu que Dieu lui est nécessaire…
… à contre courant des hommes soucieux d’une unité qui est la négation même d’une création dont la multiplicité nous dépasse.
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Préceptes pour notre temps

Méditer, faire silence, écouter vivre en soi la part divine, prendre conscience de notre appartenance essentielle à l’univers créé, se tourner vers l’éternité qui est en nous et non vers le bruit du monde, aller de l’avant avec résolution en sachant rester humble…
…c’est simple, mais en contradiction avec les habitudes de la société de consommation …et pourtant, il y a (dans toutes les obédiences) des hommes et des femmes qui les pratiquent … ils sont en marge du puissant courants de la modernité … amis, sans attendre de récompense, sans espérer des certitudes illusoires, ils illustrent la création et leur volonté de l’améliorer par leurs pensées et par leurs actes …
Il s’agit d’une exigence forte … il n’y a pas de révélation, pas de doctrine explicite à proposer à la dévotion des foules. Le patient travail,  l’humble soumission à la volonté divine… relève plus de l’écoute que du dogme … approche qui s’écarte de notre tradition du Livre.

On pourra objecter qu’il s’agit d’une morale de nantis (et de bien éduqués) … que faire pour ceux qui éprouvent le besoin d’un cadre rassurant ?
Sans doute trouver refuge dans ses croyances (religieuses ou laïques) d’origine … conserver ses racines …
Mais il faudrait une renonciation à toute prétention d’universalité, et la reconnaissance du caractère contingent de certaines certitudes.
Bref pratiquer la tolérance … une gageure, car il est difficile de « croire à moitié ».

Les élites … et les chefs des diverses communautés religieuses ont un rôle crucial à jouer … mais il ne semble pas qu’ils soient capables de réfuter des pans entiers du dogme ancien.

Résister aux marchands d’illusion, y compris ceux qui proposent à leurs fidèles la guerre sainte comme remède à tous leurs maux.
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Citation de Dostoïevski  << Tu as voulu fonder ton royaume sur cette liberté que les hommes haïssent, et qu’ils fuiront toujours vers quelque idolâtrie, même s’ils la célèbrent en paroles. Il fallait rendre les hommes moins libres, et tu les as rendus plus libres, multipliant du même coup les idoles, et les conflits d’idoles. Tu as voué l’humanité à la violence, à la misère et au désordre… >>
La liberté est l’apanage des adultes, et nous le sommes si peu…

Se rapprocher de l’idéal préconisé par l’EDUCATION, en insistant sur l’histoire des religions … soulignant leur caractère relatif, mais aussi le besoin profond auquel elles répondent.

En résumé, une éducation philosophique ( sagesse) mettant en garde contre l’unité mortifère et prônant la contradiction créatrice.

Pour conclure, la solitude du sage n’est pas tout, et la compassion soulève des montagnes. Bref, il nous faudrait quelques miracles. Il n’est pas interdit au croyant d’espérer.