L'histoire de
l'univers et le sens de la création
Claude Tresmontant
Notes de lecture de PJMB
Préambule
Claude Tresmontant 1925-1997 philosophe, helléniste,
hébraïsant et théologien a
enseigné pendant de nombreuses années la
philosophie médiévale et la philosophie des
sciences à la Sorbonne. Il fut l'exécuteur
testamentaire de Teilhard du Chardin pour ses œuvres
théologiques.
Les
conférences
Le livre est un recueil de sept conférences
données de 1977 à 1985 dont certaines
à N-D de Paris et à Saint-Etienne-du-Mont.
1. Les sciences expérimentales et le point de
départ de l'analyse philosophique (CERN, 1977)
2. Le christianisme et la raison (N-D de Paris 1977)
3. Le problème de l'existence de Dieu (1981)
4. Les sciences expérimentales et la théologie
(Rome 1981)
5. Le prophétisme hébreu (Genève 1982)
6. L'histoire de l'univers et le sens de la création
(Liège 1983)
7. Le Christ dans l'univers (Paris, Saint-Etienne-du-Mont 1985)
Elles développent toutes la même thèse
que nous tentons de résumer ci-après :
La
thèse
On observe trois points de départ pour l'analyse
philosophique:
1. Tradition des textes fondateurs de l'Inde avec un "mépris
décidé pour l'enseignement de
l'expérience, qui est qualifié d'illusoire".
2. A l'inverse, on part de la réalité objective
et on en essaie l'analyse rationnelle jusqu'au bout. Une
démarche inductive. C'est une tradition de Platon
à Henri Bergson
3. Poser quelques principes à priori (dans les grands
systèmes allemands des intuitions originelles de type
initiatique ou théosophique) et procéder par
déduction. C'est une école de pensée
qui comprend Descartes, Spinoza ...Kant.
Tresmontant rapproche les résultats de ces diverses
approches des connaissances scientifiques de son époque dans
les domaines
1. L'astrophysique
2. La biochimie et la biologie
3. La génétique et l'histoire naturelle des
êtres vivants
4. L'apparition de l'homme
Il observe que l'univers est évolutif, de façon
probablement irréversible (il s'use), avec une
complexité croissante : " la création de
l'univers et de la nature procède donc par
étapes, par paliers étagés de
composition qui intègrent des compositions
antérieures." ..."une composition continuée, qui
va des formes simples aux formes complexes" ..." de
l'hydrogène ...il y a quinze milliards d'années
...au cerveau de l'Homme".
Sa thèse est que chaque étape de
l'évolution nécessite un apport d'information,
"l'univers est un système évolutif,
épigénétique , irréversible
et à information croissante, et qui par
conséquent reçoit constamment de l'information
nouvelle" ..."seule cette thèse est rationnelle et
rationaliste, puisque seule elle est conforme au réel tel
qu'il est connu dans nos expériences".
Il réfute le rationalisme déductif de
Parménide, Spinoza et leur successeur Nietzsche qui partent
d'un univers à priori, statique ou cyclique,
démenti par, ou en tous cas éloigné
de, l'expérience.
Il analyse l'histoire de la doctrine chrétienne et montre
que, contrairement à ce pensent ses adversaires, elle ne
s'oppose pas à la raison, mais l'encourage avec constance.
Il pose une intéressante analogie entre l'église
romaine et un organisme vivant qui maintient son
intégrité vitale en rejetant les corps
étrangers, pas par principe, mais au fur et à
mesure qu'ils manifestent leur capacité létale.
Il donne une intéressante analyse sémantique des
termes "croire" et "foi" qui, au fil des traductions de
l'hébreu au grec, du grec au latin, du latin au
français et à son usage moderne, se
sont écartés de leur sens initial qui signifiait
" être certain" et "certitude objective de l'intelligence" .
"Dans le sens moderne du terme, dans la langue française
d'aujourd'hui, la foi c'est une conviction subjective,
dissociée de la connaissance, dissociée de
l'intelligence, dissociée de la raison..." "En
français d'aujourd'hui, croire désigne un
assentiment mou, un assentiment faible".
Tresmontant réfute l'agnosticisme de Kant.
Il explique les deux facettes du rôle de Jésus:
Le rédempteur qui vient effacer le
péché (réparer l'Homme )
Le germe de l'homme nouveau (achever la création)
Cette dernière facette retient particulièrement
son attention : "Si vraiment le dessein de Dieu est de créer
un homme véritable, "verus homo", à son image et
à sa ressemblance, alors ce dessein créateur ne
peut se réaliser que si l'être
créé pour une telle destination y consent
librement, s'il ratifie le don de la création..." ...."s'il
consent à ce que les Pères de l'église
grecque ont appelé sa divinisation". L'Homme est "un
être "capax Dei", capable, par nature ou par
création, de recevoir par grâce et avec sa
coopération active, le don de la divinisation".
Mais l'auteur reconnaît que la genèse de l'Homme
Nouveau passe par quelques contraintes, chaque étape de
complexification du vivant et de sophistication de son psychisme
commandant la suivante. Au delà de la
génétique moléculaire, l'auteur
mentionne des étapes sociales et culturelles. Et tout
particulièrement celle qu'il désigne par
"prophétisme hébreu" au cours de laquelle Dieu a
progressivement révélé son dessein
ultime. En particulier par l'enseignement du dernier
prophète, Ieschoua, Homme véritable uni
à Dieu véritable, "verus homo, vero unitus Deo"
selon la formule du Pape Léon Ier en l'an 449.
COMMENTAIRES DE PJMB
Ce texte est
très intéressant, mais pêche peut
être par son ardeur à démontrer
rationnellement la thèse Teilhardienne de la
montée humaine.
Augmentation (avec
accélération) de l'information dans l'univers. Il
me semble que les expérimentateurs et les
théoriciens scientifiques n'en savent rien. Quand un atome
d'hydrogène se transforme en atome d'hélium, y
a-t-il augmentation d'information ?
Même
l'application du deuxième principe de la thermodynamique
à l'univers en expansion ne me parait pas couler de source,
parce que les objets en jeu (galaxies) ne sont pas les mêmes
que ceux observés par Carnot et Clausius
(molécules de gaz parfaits).
On lit cependant
assez communément :
L'année
1998 fut l'une des plus importantes dates dans l'histoire de la
cosmologie moderne. Deux équipes annoncèrent que
l'expansion de l'Univers ne ralentissait pas comme on le pensait
jusqu'alors, mais était en fait en pleine
accélération. Les deux équipes
étaient arrivées à cette conclusion de
manière indépendante, en s'appuyant sur
l'observation de supernovae de type Ia.
Et
également :
Cette
organisation instiguée par les lois de la nature trahit
également sa fin. Depuis que l'Univers a
libéré son énergie aux premiers
millénaires de sa vie, l'espace est (très
probablement) transparent, le rayonnement le parcourt
jusqu'à l'infini sans être
réabsorbé par la moindre particule. En 15
milliards d'années, l'entropie de l'Univers a
augmenté de 0.1%. Le bilan énergétique
net est constant puisque rien ne se crée, mais son entropie
nette a augmenté. Chaque système devenant stable
ou augmentant de complexité (d'information) se paye
à l'Univers par une augmentation de l'entropie.
Si l'on se cantonne
à notre système Terre, patrie du vivant que nous
connaissons, j'admets sans difficultés que
l'évolution génétique et
ultérieurement culturelle apporte une augmentation de la
complexité de l'information par entité vivante.
En revanche, pour affirmer quoique ce soit sur la quantité
d'information globale, faudrait-il se garder de l'anthropocentrisme et
considérer la biomasse dans son ensemble:
(précurseurs, composants, virus) , organismes
monocellulaires, végétaux, insectes et autres
animaux. Est-elle en augmentation ou le contraire ?
Dans le
mécanisme de l'évolution
génétique décrit par par Tesmontant, le
rôle des mutations "par erreur de copie" est relativement
ridiculisé et surtout le processus de la
lente sélection naturelle par la lutte pour la vie
complètement occulté. Bien sûr ce n'est
qu'une hypothèse, mais elle est, je crois, assez
répandue.
Clairement l'auteur
veut sous-tendre que chaque étape dans
l'évolution d'un phylum résulte d'un apport
d'information prêt-à-porter émanant
d'un créateur extérieur. Bref une
hypothèse finaliste, qu'on ne peut exclure, mais qui reste
encore à conforter par des expériences cruciales.
Ces quelques
réserves étant formulées, le contenu
des sept conférences est plutôt enrichissant.