FRERE TARIQ

(quatrième de couverture)

Tariq Ramadan est-il un réformateur moderniste ou un intégriste ?

Que propose-t-il, dans ses livres et dans ses cassettes ? Tient-il un double discours ?

Est-il l'héritier politique de son grand-père, Hassan al Banna, ou simplement son petit-fils ?

Est-il un prédicateur autonome ou l'ambassadeur en Europe des Frères musulmans ?

Qui a dit : " J'accepte les lois tant que ces lois ne m'obligent pas à faire quelque chose contre ma religion " ?

Faut-il un " moratoire " sur la lapidation des femmes ?

Qu'est-ce que le " féminisme islamique " ?

Peut-on fréquenter en même temps la Ligue des droits de l'homme et Youssef al-Qaradhawi, le théologien justifiant les attentats kamikazes ?

Qui incite des militants islamistes à établir des " sphères de collaboration " avec la gauche laïque et altermondialiste ? Dans quel but ?

Pour la première fois, un livre répond à toutes les questions que l'on se pose sur Tariq Ramadan.

Spécialiste de l'intégrisme, Caroline Fourest a notamment publié un ouvrage très remarqué, Tirs croisés. La laïcité à l'épreuve des intégrismes juif, chrétien et musulman (Calmann-Lévy) et Foi contre choix. La droite religieuse et le mouvement prolife aux Etats-Unis (Golias). Elle est aussi rédactrice en chef de la revue Prochoix.

 

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FRERE TARIQ

Caroline Fourest Grasset 2004

Notes de lecture

Première partie

PARCOURS ET REFERENCES

 

 

Les Frères musulmans

Bien qu'il s'en défende, Tariq RAMADAN propage avec talent la doctrine et la méthode des Frères Musulmans, mouvement fondé en 1928, au départ en Egypte, par son grand père maternel Hassan al Banna, et dont l'influence s'étend au monde entier.

La méthode des Frères (page 36) est simple: asseoir son influence, étapes par étapes, de bas en haut, à partir du social (au niveau le plus éclaté) et remonter ensuite jusqu'à conquérir le pouvoir. Elle s'inscrit dans la durée et dans l'ordre inverse des révolutions traditionnelles.

D'abord l'individu, puis la famille, puis le territoire et aboutir à la représentation politique.

Ensuite, établir des gouvernements islamiques, puis un empire islamique, puis reconquérir la Méditerranée, et enfin le Monde.

Ne laisser échapper aucun moyen (page 40)... notamment l'école... y compris les filles...pour promouvoir la doctrine sociale de l'Islam (notamment vis à vis des femmes). On ne change un peuple qu'en changeant ses enfants.

L'appartenance aux Frères ne se pose pas en termes de membres, mais en termes d'adhésion à la pensée.

Brève histoire de la violence

Sous le roi Farouk, les Frères revendiquent l'assassinat du premier ministre Nuqrachi Pacha Egypte 1948;

Leur fondateur et leader Hassan al Banna est assasiné en 1949 à la sortie d'une réunion de "réconciliation " convoquée par le pouvoir en place. Les Frères crient au martyre et à la conspiration anglo-franco-américaine.
Les Frères appuient le coup d'état de Nasser puis réclament la contrepartie: une justice basée sur la Charia. Nasser refuse. Premier attentat contre Nasser, répression sanglante, dissolution des Frères en 1954. Sayyid Qotb radicalise son discours: Nasser = apostat. Il est pendu en 1966. Les Frères multiplient les assassinats de leaders politiques: Sadate Egypte1981, Boudiaf Algérie1992.

Parcours de Saïd Ramadan (le père de Tariq) (page 68)

Licencié en droit, secrétaire puis gendre de Hassan al Banna. Part en Palestine en 1947 pour aider à "déloger les Juifs de Jérusalem". Part au Pakistan, mais son activisme effraie les Frères locaux.

Bref séjour en Egypte, puis en Arabie Saoudite au service ses Wahabites. Saïd obtient du roi Fayçal de fonder une chaîne de Centres Islamiques en Europe. Il arrive à Genève en 1958.

Parcours de Tariq et Hani Ramadan (les fils de Saïd)

Ils militent tous les deux dans la même idéologie. Hani est plus direct, Tariq est plus fin stratège.

Tariq s'engage dans l'humanitaire islamique "Islamic Relief". En 1990 il entame sa carrière de prédicateur. En 1991 stage intensif de religion en Egypte, complété en par un an en Angleterre, à l'université islamique de Leicester.

Peu après, Tariq conquiert le coeur de la banlieue de Minguette, et fonde à Lyon le Editions TAWHID dirigée par son frère Hani.

En 1994, il fonde "Musulmans et musulmanes de Suisse"avec l'objectif déclaré de favoriser l'acceptation des musulmans en Suisse. Mais au premier congrès de l'association, c'est un échec (page 97) car les 15000 musulmans de la région boycottent: les intervenants invités par Tariq sont des ultra radicaux. Les journalistes sont pris à parti.

Son père Saïd meurt en 1995. L'Arabie saoudite lui refuse d'être enterré à Médine. Il le sera en Egypte sa terre natale. Les autorités Egyptiennes menacent d'arrêter Tariq, qui n'assistera pas aux obsèques. Il crie au martyre.

A la mort de Saïd, Hani prend la direction du Centre Islamique de Genève. La famille Ramadan se partage la gestion d'une somme apparemment considérable (dépôt des Frères). Une partie sert à augmenter les moyens des Editions TAWHID. Hani publie ses propres écrits ultra intégristes sur la lapidation, le SIDA etc. , et bien sûr, les livres et les cassettes enregistrées de son frère Tariq. Hani sera interdit de séjour en France en 1997, interdiction levée en 2001 grâce au soutien de la gauche française (page 124).

Tariq a compris (à l'exemple de son père) que, quand le message ne passe plus quelque part, il faut aller se refaire une légitimité ailleurs (page 101) . Il part en Belgique, dans les DOM-TOM et finalement en France. Mais il laisse derrière lui une réputation sulfureuse. En 1995 il est interdit de séjour en France, interdiction levée en Mai 1996 grâce au soutien de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) (page 124) . Il fonde en 1997 l'association "Présence Musulmane" (page 101).

Les Frères lui conseillent de se démarquer de son frère Hani (page 113). Il adapte son discours. D'ailleurs même Hani s'y met un peu. Il sait jouer du complexe de culpabilité des sociétés post coloniales et de la grande ouverture d'esprit du système démocratique. Il recommande de "profiter des espaces de liberté des régimes démocratiques".

Finalement Tariq et Hani sont complémentaires: deux faces d'une même pièce.

Ils bénéficient de nombreux appuis. En 2001, une enquête sur la banque AL TAQWA fondée par un ami de leur père est enterrée suite à des pressions Saoudiennes.

Les frères Ramadan, et en particulier Tariq, ont des contacts avec des milieux très divers et leurs figures emblématiques: religieux, intellectuels de gauche, altermondialistes ... mais aussi la droite intégriste, le FN, Jörg Hayder, les anti-sionistes voire les nostalgiques du nazisme.

Depuis 1997 Tariq milite pour une renégociation de la laïcité (page 117).

En 2003, Nicolas Sarkozy crée le Conseil Français du Culte Musulman, et privilègie sciemment l'UOIF. Face à face télévisé "100 minutes pour convaincre" Sarkozy justifie son choix et met en évidence le double langage de Tariq Ramadan.

Tariq est furieux de voir compromise son influence en France, face à l'UOIF une organisation cousine mais rivale. Il édite aussitôt (page 118) une cassette pour remobiliser ses adeptes "...j'en veux à ma communauté, je n'en veux pas à Nicolas Sarkozy...nous délaissons le terrain...". Il met en garde contre l'UOIF et le CFCM "la principale adversité va venir de nos frères... les années qui viennent pour la société musulmane sont aussi difficiles que nos progrès sont rapides parce que là, maintenant, on nous attend."

Le ton est bien différent de celui qu'on peut rencontrer sur les plateaux de télévision. Certaines phrases font écho au discours de Hassan el Banna un peu avant sa mort, qui annonçait le passage à une autre phase.

C'est toujours inquiétant quand on connaît les contacts et fréquentations du Centre Islamique de Genève.

Les mauvaises fréquentations

Le Centre Islamique de Genève est suspecté (page 120) de relations avec les Frères du FIS et du GIA Algériens et Tariq a été suspecté d'avoir des contacts habituels avec certains responsables d'AL-QUAIDA .

Interrogé à ce sujet, Tariq déclare sans rire " nous ne faisons rien d'incompatible avec un engagement islamique authentique".

Deuxième partie

LE DISCOURS

Le mot réforme est compris de plusieurs façons:

En Occident:

Pour l'Islam

Tariq s'inscrit dans le courant SALAFISTE (page 147). Il attaque les musulmans libéraux, partisans d'une spiritualité individuelle... "ce sont des renégats, vendus à l'Occident... des musulmans sans Islam."

Il joue plus contre les extrêmes engendrés par la pensée libérale que contre les archaïsmes propagés par l'islam traditionnel, archaïsmes pourtant déjà stigmatisés par Mahomet (excision, mariage forcé...).

Il emploie des mots modernes et à la mode en Occident, mais qui ont un sens très précis pour lui. Contextualiser le Coran ne veut pas dire l'actualiser. Le courant réformiste salafiste maintient la littéralité en fonction de ses besoins politiques.

Selon la tradition des Frères, Tariq est pour un Islam politique, diffuseur d'un projet de société. Cependant, il juge maladroit de le reconnaître. Il parle d'un islam englobant, jamais d'un islam politique; il dit "voie vers la fidélité" ou "chemin vers la source" et pas littéralisme; "caractère englobant" du message de l'islam mais récuse totalitaire.

Grâce à diverses astuces de présentation, il s'attache à faire paraître sa position comme un juste milieu entre les extrêmes, entre "confusion et séparation" (page 170).

Tariq refuse qu'on applique le terme "intégrisme" ou "fondamentaliste" à l'Islam. "Intégriste c'est pour les catholicisme ... fondamentalisme pour le protestantisme".

Il n'utilise le mot raison que pour plaire au publics occidentaux. Il exècre l'esprit critique "on ne doute pas tous de la même façon" (page 174).

Tariq , les femmes et la sexualité

Il fait patte de velours vis à vis des femmes "le voile est une obligation, mais ne peut faire l'objet d'une contrainte" car il a compris qu'une femme qui milite pour le port du voile est toujours plus crédible qu'un homme. L'éducation des femmes est toujours associée à leur efficacité militante (page 191). Il stigmatise les femmes laïques, athées, marxistes... et encourage les petites soldates efficaces de la cause islamiste.

" Il y a égalité de l'homme et de la femme devant Dieu... mais complémentarité sur le plan social". En clair la musulmane rappelée à son devoir de pudeur, outre la procréation, peut se consacrer à trois domaines: la solidarité (notamment la lutte contre la prostitution), l'éducation et la culture (musulmanes évidemment).

Il est pour la famille traditionnelle père, mère et enfants et déplore les familles monoparentales et le divorce. Il est contre l'homosexualité et le PACS.

En France il discourt sur le sexe licite "halal" et illicite "haram" et déplore que l'islam tourne à un système d'interdits. "L'islam c'est la religion du coeur", mais il renvoie vite aux "théologiens" beaucoup plus rigoristes. Il prône l'abstinence avant le mariage et la fidélité ensuite. Il ne parle jamais de SIDA ni de préservatifs. Il reste vague sur la contraception dans le mariage, et rappelle que l'IVG est proscrite par les "théologiens".

Il a l'obsession de la pudeur, et du refus de la séduction féminine, car l'homme est faible.

Il stigmatise les pratiques occidentales permissives, l'étalage du sexe et de ses symboles à la télévision et dans la publicité (page 201).

Finalement, sauf exceptions, il se range à la non mixité.

Selon Tariq , le pays islamique où l'on serait le plus en avance en matière de droits de la femme c'est l'Iran, loin devant l'Arabie Saoudite, l'Egypte, puis la Tunisie (!!)

Musulman et citoyen

Tariq dit que les musulmans en Europe doivent "vivre en harmonie avec leur foi, tout en étant partie prenante des sociétés civiles qui sont désormais les leurs... Ils construisent - les femmes autant que les hommes - une personnalité musulmane qui surprendra bientôt un grand nombre de leurs concitoyens."

Quelle surprise? Les journalistes et les intellectuels préfèrent ne lui prêter que de bonnes intentions. Mais on se rappellera l'épisode du Congrès en Suisse. Tariq ne met pas l'appartenance religieuse et l'appartenance citoyenne sur le même plan. Elles ne sont "pas de même nature ni de même ordre". Dans d'autres cassettes on entend que la qualité de citoyen est "une simple situation géographique". Etre musulman, c'est "une conception de la vie... qui est au delà de tout". Il dit aussi " là où je me trouve, je dois respecter les lois". Il faut bien se pénétrer de la sémantique de Tariq " on respecte la Constitution, quand elle ne s'oppose pas à un principe islamique.... elle devient alors islamique.... le reste, on le rejette...".

Il professe du mépris pour l'intégration 'à la Française' . "Nous sommes d'accord pour l'intégration, mais c'est nous qui allons mettre le contenu".

Questions de société

Il lutte pour défendre l'Islam contre la "dissolution" dans les sociétés occidentales, mais il s'arrange pour que ses positions apparaissent toujours comme un juste milieu entre des extrêmes (page 227).

Par exemple au lieu d'interdire Victor Hugo (comme c'est le cas dans certains pays islamiques), faire une sélection (islamique) dans la littérature Française, une sorte de police de la culture, déguisée en culture alternative, entièrement pensée pour que les enfants n'aillent pas chercher ailleurs.

Il est plutôt pour la censure (page 232). Il déconseille les boites de nuit. Il est contre le rap (et les idoles des jeunes en général). Il faut éviter certains films, par exemple Titanic ?

Questions de religion

Aux cinq piliers de l'Islam concernant le culte, Tariq en ajoute quatre, censés former l'identité musulmane de façon non négociable:

Ces desiderata ne choquent pas a priori ceux qui voient en Tariq un musulman moderne et laïque. Mais en version cassette, il précise "s'il y a une société qui m'enlève un de ces quatre points là, cette société je lui résisterai, je la combattrai" (page 236).

On note l'ultra rigorisme de l'Islam de Tariq et l'extrême ouverture de sa méthode pour le propager.

Questions d'éducation

Le jeune musulman doit aller à l'école laïque, mais certaines disciplines doivent faire l'objet de "compléments" islamiques, par exemple en biologie (Darwinisme), histoire (croisades, colonisation, shoah), philosophie, sport (non mixité) ...

On entend " il s'agit de promouvoir des structures intégrant le cursus officiel et l'éducation islamique, qu'elle soit déclarée ou non" (page 238).

Questions de laïcité

L'auteur, Caroline Fourest, rappelle que deux conceptions de la laïcité s'affrontent: une laïcité de séparation entre le religieux et le politique et une laïcité pluraliste.

Dans ses cassettes, Tariq associe laïcité et (néo)colonialisation.

Tariq est pour la communauté et contre le communautarisme (!) (page 245), il amalgame communautarisme et séparatisme ( c'est à dire politique du ghetto). Les musulmans sont priés de ne pas se dissoudre... mais de se saisir de leur citoyenneté pour mieux islamiser leur environnement (page 247). Tariq dit vouloir "passer de la minorité numérique à la majorité éthique" et que l'horizon prise du pouvoir n'est pas son problème. Mais d'autres y pensent .

Tariq prêche de ne pas effaroucher les gens. Islamiser l'Europe? attention à ce que qu'on répond. Le but reste le même, c'est le timing qui diffère. C'est là qu'il se démarque des salafistes jihadistes comme Omar Bakhri. De même, ses relations avec l'UOIF se sont un peu dégradées (page 256).

Relations avec les hommes politiques

Tariq officiellement se défend d'être un lobby... en fait il fait voter pour tout candidat qui sera permissif envers les revendications des musulmans, telles que les entend Tariq. Et il fait voter contre dans le cas contraire, par exemple Georges Frèche dans l'affaire de la mosquée de Montpellier.

Il mise sur le fait que les hommes politiques sont intéressés par le vote musulman, et que les islamistes sont organisés et pas les musulmans libéraux(page 254).

Incidence des prédicateurs dans les cités et les banlieues

Dans les années 90, certains politiques (de gauche et de droite) ont cru que les prédicateurs musulmans pouvaient ramener l'ordre et le calme à leur place. Le mot musulman dans le libellé d'une association égale subvention accordée.

L'islamisme de Tariq fonctionne comme les sectes: il coupe les individus de leur entourage pour mieux les manipuler (page 262). En fait Tariq travaille les classes moyennes, et ce faisant envoie des jeunes, qui ont tout pour réussir à concilier leur foi, leur origine et leur citoyenneté, dans les voies (de garage) de l'islam.

Certains de ses adeptes et sympathisants ouvrent les yeux et le quittent (Abd al Malik un rappeur célèbre, Christian Delorme curé des Minguettes ...). Certaines associations le récusent d'entrée (Ni putes ni soumises, Malek Boutti de SOS racisme...).

Le choc de civilisations

Tariq fait lire à ses adeptes le livre de Huntington, et il a écrit un livre "Face à face des civilisations". Il caractérise l'Occident par le triptyque individualisme, rationalisme, modernisme qui débouche sur sécularisation de la société, priorité aux libertés individuelles, culte aveugle du progrès. Il fait une description apocalyptique de la décadence de l'Occident. A la rigueur d'un Occident désenchanté. Son "choc" n'est pas celui de l'islam contre l'Occident mais celui de l'intégrisme contre le sécularisme.

Pour lui laïcité + libertés individuelles = permissivité morale (page 269). Il dit que c'est l'excès de la "promotion du statut de l'individu qui va, en son point culminant, produire la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme".

Pour Tariq, modernité = décadence. Il ne veut pas moderniser l'Islam, mais islamiser la modernité. Il est contre l'éclatement des familles, contre les homosexuels et l'androgynie. Contre le culte des loisirs et du divertissement. Pour ne pas se couper de son public de gauche, il ajoute une dose de rhétorique antiimpérialiste et anticapitaliste. Il refuse la mondialisation qu'il assimile à un néocolonialisme occidental. Les militants altermondialistes sont charmés.

Il récuse l'influence culturelle occidentale = colonisation. Il veut résister en vrac : aux missionnaires chrétiens, à la télévision occidentale, mais aussi à MacDo, CocaCola, Hollywood, Titanic et son budget énorme pour un film insignifiant, les Spice Girls ...

Il s'insurge contre "l'OPA de colonisation intellectuelle sur Averroès" penseur arabe rationaliste, dont il omet de dire qu'il fut persécuté par les intégristes musulmans de son époque (page 278) . Il re-écrit l'Histoire en omettant la participation des Arabes à l'esclavage et en insistant sur la culpabilisation des Occidentaux.

Partout, il cherche à garder la main mise sur l'esprit critique, au nom de la différence culturelle.

Il dénonce la "colonisation économique", avec l'influence de la Banque Mondiale et du FMI en progression concomitante à la décolonisation politique. Il est contre la mondialisation et veut faire "une sphère islamique soumise aux règles du Coran". Il s'approprie certaines thèses de Huntington: la civilisation musulmane "peut être la production d'une résistance au modèle dominant "qui permettra de "mettre du sens dans les relations Nord-Sud"(page 283).

Son Jihad personnel, c'est de former des musulmans à parler aux journalistes, à développer son réseau, à pratiquer l'entrisme. Il ne reste pas longtemps en place à la tête d'une structure.

Tariq ne vise pas une réforme politique nationale, mais une révolution culturelle mondiale. Il a compris une chose: les révolutions ne se font plus avec des mouvements de masse. Grâce au développement de l'information et des médias, une poignée de militants déterminés et intelligents, dispersés à des poste stratégiques dans quelques endroits de la planète, peuvent changer la face du monde (page 286).

Il veut procéder par étapes:" tout l'international nous intéresse, tout le national nous intéresse, mais le local est notre priorité".

Pour autant il prend la défense des actions engagées dans d'autres pays.

Il condamne le terrorisme, mais excuse ou relativise les terroristes. Il adapte son vocabulaire: on n'assassine pas , on exécute un traître (Sadate).

Il excuse les exactions du FIS Algérien taxé de simple maladresse. Les morts de musulmans libéraux pèsent moins que les morts des engagés islamistes.

"Tuer un enfant Israélien est en soi un acte moralement condamnable, amis contextuellement compréhensible"... il rejette la responsabilité sur le Américains et les gouvernements Arabes (Saoudiens) qui "ne laissent pas le choix aux Palestiniens".

" Je dirai vertement ... que nous musulmans pourrions nous permettre de beaucoup tuer... pour rejoindre le degré d'inhumanité atteint régulièrement dans le passé par les aïeux de ceux qui accusent aujourd'hui l'Islam de religion de la violence"(page 300).

 

 

Troisième partie

STRATEGIE ET METHODES

 

L'Occident comme terre de collaborations

Tariq sait que l'avenir de l'islamisme ne se joue pas en Orient mais en Occident. Il y a en effet de sérieux contre feux dans les pays du Maghreb mais aussi au Machrek. Il prêche de "répertorier les sphères de résistance (à l'occidentalisation sans âme ni conscience) et de développer les sphères de collaborations"(page 306).

Il a compris qu'il existe un formidable potentiel d'alliés objectifs, naïfs ou complices, prêts à le soutenir, à condition d'y mettre les formes.

Tariq est un artiste du double discours et qui forme des disciples. Il dit "Je dois développer un discours à la mesure de l'oreille qui écoute". Il appelle ça compréhension, clarté d'expression ... et a rédigé un petit vade-mecum à usage des musulmans francophones (Tawhid 2001).

C'est aussi un spécialiste du désamorçage sémantique. Il sait faire profil bas quand il est en situation d'infériorité, se poser en victime, et le cas échéant retourner l'audience (page 312).

Il se cherche des alliés dans les milieux religieux, en ratissant large:

Et il ratisse encore plus large dans la gauche athée en ajoutant que matérialisme est "l'accumulation égoïste des biens et du gain".

Il se garde de protester au sujet des discriminations dont souffrent les Coptes en Egypte, le Chrétiens au Soudan et au Moyen Orient, ou de rompre avec Michot qui a soutenu l'apologie du massacre des moines de Tibéhirine.

Il rentabilise la moindre rencontre avec des figures médiatiques (Dom Helder Camara, mère Teresa, abbé Pierre, Mgr Gaillot, Dalaï Lama...).

Certains individus isolés cependant ne s'y laissent pas prendre, mais en général ils ne sont pas suivis par leur hiérarchie (page 315).

En effet on peut classer ces auditoires en trois catégories:

 

L'infiltration de la gauche laïque

Grillé en Suisse, Tariq revient en France avec un livre "Islam et laïcité" et se fait connaître en participant en 1994 à l'émission "La marche du siècle".

Sa tentative de récupération de SOS Racisme échoue (page 340).

Une nouvelle opportunité s'offre avec la Ligue de l'Enseignement dont les dirigeants culpabilisent sur la colonisation. Tariq s'engouffre et obtient une caution en béton. La Ligue organise une commission d'étude Islam et laïcité à laquelle participent les troupes de Tariq, mais aussi des musulmans rationalistes qui s'affrontent sans fin, ce que les représentant de la Ligue ne comprennent pas. Les intégristes ont le dessus, et les rationalistes se retirent. Mais en 2000 la présidente de la Ligue (qui connaît son monde)met un terme à la commission.

Tariq recommence avec la Ligue des Droits de l'Homme (LDH). Malgré la perspicacité de certains membres, les dirigeants de la LDH ( Michel Tubiana) évoluent dans le sens de Tarik, et se coupent de plus en plus de leur base (page 349).

Le terme "islamophobie" prend de l'ampleur. Selon Tarik, est "islamophobe" toute critique "des institutions morales et sociales de l'Islam".

Voilà bien l'impact de Tariq sur la LDH. Elle qui était jadis un recours pour les humanistes, on la trouve désormais du coté des obscurantistes contre les partisans de la laïcité.

Affaire du voile, affaire une école pour tous, même les féministes au coté de l'islam ... (page 361 à 380).

L'enjeu altermondialiste

Un coup médiatique

Tout est réfléchi chez Tariq. Il est probable que la provocation sur la "liste des intellectuels Juifs" à la veille du Forum Social Européen était destinée à reprendre la main en termes médiatiques sur l'UOIF et compter ses troupes à gauche (page 381).

Chez les progressistes et les tiers-mondistes, beaucoup sont exaspérés d'être soupçonnés d'antisémitisme chaque fois qu'ils prennent position contre Israël.

Tariq n'a soutenu la cause Palestinienne que tardivement. Puisque détruire l'Etat d'Israël n'est pas tenable, il se rallie à la solution d'un Etat unique Israël + Cisjordanie, où grâce à la démographie, le caractère Juif de l'état serait un jour remis en question.

Tarik n'est pas antisémite au sens européen du terme. Il soutient la religion juive (les Juifs "alliés" {c'est à dire civilement soumis} aux musulmans seront protégés, les autres Juifs seront maudits et combattus cf. Le Coran), mais il voit le complot du lobby juif partout (page 384).

Il entretient l'ambiguïté, ce qui divise la Gauche à son égard et lui permet de savoir où sont les résistances:

Les intellectuels de droite et de gauche s'insurgent, ce qui augmente la publicité pour Tariq.

Conquête du mouvement altermondialiste (page 388 )

Tariq est particulièrement doué pour faire croire à une réelle convergence avec les altermondialistes, notamment en se présentant comme l'équivalent de la théologie de la libération, en jouant sur l'anti-américanisme, l'anti-sionisme et surtout la corde sensible du complexe néo-colonial, voire l'anti-islamophobie.

Il incite ses jeunes partisans à investir les lieux stratégiques de l'altermondialisation :

" le Forum Social Européen ... vous devez en être, sur des domaines qui sont les nôtres ... il faut remplir la salle de cette conscience de cette jeunesse française de confession musulmane".

On lance les petites soldates voilées: Sihem Andalouci, l'élève modèle de Tariq, s'inscrit chez les Verts (page 390 ) ...

Le Nouvel Obs analyse la situation ' tandis que ses jeunes troupes entrent dans les comités altermondialistes, lui dialogue avec les chefs. Je peux vous remplir les salles ...'. C'est tentant pour un mouvement qui cherche à toucher les jeunes des cités.

La manoeuvre ne fait pas illusion à tout le monde. Joutes entre Tariq et Bernard Cassen d'ATTAC via la revue Politis (page 391)

Les deux associations de Tariq "Collectif des musulmans de France" et "Présence musulmane" n'ont aucun mal à imposer Tariq à la tribune pour un débat "un monde sans racisme".

La tentative de culpabilisation (néo coloniale) des altermondialistes n'a pas marché, mais se faire passer comme un martyre du lobby sioniste fonctionne à merveille.

Tariq exploite immédiatement la situation en co-signant avec Pierre Khalfa (de FSE-ATTAC) un livre "le musulmans face à la mondialisation" publié chez TAWHID. Le piège a fonctionné: les intégristes de Tariq se posent en représentants de tous les musulmans (page 394).

Seules les féministes altermondialistes de culture musulmane s'insurgent malgré une gauche et une extrême gauche complaisantes. Le mouvement altermondialiste a trahi les musulmans progressistes.

Pratiquant l'art de la guerre, Tariq enfonce le clou lors du Forum Local de Montpellier. Ses troupes noyautent et font inviter Tariq, alors que normalement tous les intervenants sont des locaux. Ça clashe, mais finalement les démocrates capitulent (page 396).

Jusqu'à quand?

Combien de temps encore Tariq pourra-t-il courir plus vite que la traînée de soufre qui le suit?

Ses prises de position publiques sont de plus en plus clairement intégristes...

Mais il bénéficie toujours du soutien d'une certaine gauche... le journalistes sont fascinés ... et il y a un vaste potentiel de journalistes naïfs.

Tariq a formé ses disciples à la communication (cassettes "Face aux médias "1999 et "Médias et journalistes"). Sans une solide connaissance de l'Islam et de l'islamisme, on peut s'y laisser prendre.

C'est le cas de Xavier Ternissien du Monde qui finalement soutient l'UOIF , appuie les réformistes salafistes, égratigne les musulmans modérés (mosquées de Paris et de Marseille) . Il en fait même des tonnes pour Tariq Ramadan et contre les musulmans de " l'Islam officiel.

Encore un média important de gagné.

En revanche, la mouvance Tariq n'hésite pas à recourir à l'intimidation. Ceux qui s'opposent à eux (souvent d'origine maghrébine) sont menacés: Leila Babès, Michel Renard, Christian Delorme, Djenane Tajer, Serge Raffy, Antoine Sfeïr, Lyon Mag...

En 2003 Tariq a perdu son procès en diffamation contre les deux derniers, mais il le nie sans complexes dans ses interventions télévisées ultérieures.

L'image de Tariq se craquelle (page 422). Sentant le vent tourner, il annonce déjà la relève: " je peux vous assurer que, ces prochaines années, de plus en plus de Français de confession musulmane vont apparaître sur la scène qui seront sûrs d'eux-mêmes et de leurs droits de citoyens...nous serons bientôt respectés, par sagesse autant que par nécessité."

 

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CAROLINE FOUREST

 

Biographie (extrait de Wikipédia)

Caroline Fourest est diplômée en sociologie à l'EHESS et en Sciences politiques. Elle est également titulaire d'un DESS de communication politique, obtenu à la Sorbonne. Elle y a étudié la communication de crise (réactions aux boycotts et aux rumeurs) et elle a tiré de ces études en la matière un livre : "Face au boycott" Elle est rédactrice en chef de la revue Prochoix et journaliste à Charlie Hebdo.

En 1997, elle fonde l'association Prochoix, pour la défense du libre choix au sens large, c'est-à-dire le choix de sa vie et de sa sexualité. Ses thèmes de prédilection sont la protection de la laïcité, les droits des femmes et des homosexuelles. Le mot prochoix est un jeu de mot par rapport à Prolife, le mouvement anti-avortement aux États-Unis auquel elle a d'ailleurs consacré un ouvrage, Foi contre choix.

Aujourd'hui, Caroline Fourest se consacre essentiellement à dénoncer ce qu'elle désigne comme les rapprochements entre une partie de la gauche et les mouvements islamistes. Elle écrit "La tentation obscurantiste" où elle poursuit cette question : "la complaisance voire la fascination pour l'islamisme — une idéologie réactionnaire, intégriste et totalitaire — a-t-elle sa place à gauche ?". Toutefois, certains de ses détracteurs estiment que cette question est une accusation déguisée visant à empêcher tout rapprochement entre mouvements de gauche et mouvements musulmans, pas forcément "islamistes".

Cette dénonciation de la "tentation obscurantiste" entend dénoncer les collectifs constitués en 2004 lors du vote de la loi sur les signes religieux à l'école tels Une Ecole pour Toutes ou, plus récemment, les Indigènes de la République. Elle s'attaque également à des organisations plus anciennes telles Les mots sont importants de Pierre Tévanian ou le Réseau Voltaire qu'elle accuse de complaisance avec l'islamisme. En retour, ces organisations lui reprochent un manque de rigueur dans son travail et l'accusent d'assimiler islam et islamisme.

Caroline Fourest bénéficie d'un large écho dans les médias. Invitée régulière des télévisions, radios et journaux français grand public, elle y commente régulièrement les questions en lien avec la laïcité mais surtout en rapport avec l'islam en France, son principal sujet d'étude. Cette médiatisation ne s'arrête pas aux frontières puisque, chose peu courante pour un auteur de gauche, elle a rédigé en 2005 deux tribunes dans le Wall Street Journal : "The War For Eurabia" (2 février 2005) et "The Islamist Battleground" (16 novembre 2005).

 

Bibliographie